« Le voyage intérieur » à l’Espace EDF-Electra, à Paris, embarque le visiteur dans un monde onirique, entre ombres et lumières.
PARIS - Quel lieu pouvait mieux rendre compte des replis de l’âme et de la dramaturgie qui s’y opère, entre ombres et lumières, sinon l’Espace EDF-Electra ? C’est donc là que Paris et Londres se sont donné rendez-vous pour un « Voyage intérieur » qui flatte autant les sens que l’esprit. Une exposition générationnelle dynamique, conçue par Alexis Vaillant et Alex Farquharson. Huysmans, Freud, Oscar Wilde mais aussi la pop star Siouxsie semblent avoir marqué ces lieux, où une vingtaine d’artistes contemporains présentent leurs œuvres, accompagnées par les inquiétantes ondulations électroniques de la musique de Turzi. Et, sous la voûte étoilée de Loris Gréaud, se joue alors une dérive à l’intérieur d’une mythique villa obscure du début du XXe siècle inspirée de Fernand Khnopff. Les artistes la hantent à travers chambres, boudoirs et vestibules. Dès le « Couloir métaphysique », les murs semblent respirer et des spectres apparaissent derrière les tentures. Une main sortie d’une cloison présente une poignée de colliers, amulettes et autres pendules (Simon Bernheim), tandis qu’au bout du couloir surgit un portrait décapité (Richard Hawkins). Ces œuvres introduisent l’idée du bestiaire, avec, par exemple, les créatures anges et démons de Jean-Luc Verna. Il suffit de claquer des doigts pour que deux sculptures de Bruno Pelassy – l’une de python et de vison, l’autre de plumes et de verre – se mettent à danser. Entre terreur et merveilles, le visiteur est invité à traverser différentes zones et climats. Des personnages fantastiques y apparaissent, telle l’étrange chouette de Camille Vivier ou les trois silhouettes en suspension d’Eva Rotschild. Dans le « Black Box, Planetarium », la vidéo de Steven Claydon jette les bases d’une théorie millénariste et défile entre deux têtes mi-homme mi-animal. L’« Infinite White Cube », avec son aveuglante luminosité, en est l’exact opposé : Vydia Gastaldon nous entraîne vers Oz, un lieu légendaire. Alchimie et métaphysique s’entremêlent au bout de cette pièce avec le triangle isocèle rongé de sulfate de cuivre de Roger Hiorns. Et, lorsqu’il s’agit de respirer des éthers, sont proposées l’envoûtante vidéo de Akakçe ou les peintures au vernis à ongles de Michael Roy. La « Cocteau’s Room » mise en place par le doyen de l’exposition, Marc-Camille Chaimowicz, évoque la chambre à coucher supposée de Cocteau, de style Art nouveau. Allusion aux tentations orientalistes du début du XIXe siècle, le « Salon égyptien », plus sexuel, présente les dessins dorés de Silke Otto-Knapp, qui font autant allusion à Salomé qu’à l’ondinisme. Ailleurs, Michael Roy présente un incommensurable ruban de satin, sur lequel est brodée en lettres dorées une déclaration d’amour de Jean Lorrain adressée à Gustave Moreau.
Aspect labyrinthique
« Le voyage intérieur » est une aventure actuelle, qui associe musique électronique et Arts & Crafts, artistes contemporains et chimères fin de siècle. C’est avec l’impression de traverser une vieille demeure dont les boiseries craquent et les portes grincent, où les pas et les paroles se perdent dans les étages que l’on visite cette exposition, qui donne à l’architecture un aspect aussi organique que labyrinthique. Le cheveu est prêt à se hérisser à la moindre manifestation paranormale. Ce « Voyage intérieur » nous renvoie, finalement, à nos propres démons.
Jusqu’au 5 mars 2006, Espace EDF-Electra, 6, rue Récamier, 75007 Paris, tél. 01 53 63 23 45, tlj sauf lundi, 12h-19h.
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Tranches d’étrange
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires : Alexis Vaillant et Alex Farquharson - Scénographie : Nadia Lauro - Sonorisation : Record Makers - Nombre d’artistes : 23
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°228 du 6 janvier 2006, avec le titre suivant : Tranches d’étrange