Le Collège des Bernardins se penche sur la circulation des signes et la multiplicité des identités.
PARIS - L’image est cadrée presque à mi-corps, à entendre au pluriel car ce sont plusieurs personnes qui se succèdent à l’écran. Leur activité à tous est identique : essayer des vêtements sur un marché de fripes de Lahore, au Pakistan. Leurs mouvements sont ralentis, et, au travers de ces échanges et essayages s’engage un étrange ballet, une involontaire chorégraphie entre gestes rituels et accélération des mouvements du quotidien. À cette vidéo de Basir Mahmood (Lunda Bazaar, 2010) répondent au sol des tapis d’Achraf Touloub (Écrans, 2014). Ils reproduisent par impressions numérique sur tissu des images de pièces exceptionnelles des XVIIe et XVIIIe siècles ; une époque en a chassé une autre, les nœuds de la laine sont devenus des pixels, la couleur a cédé le pas au noir et blanc dans des images devenues instables, un rien évanescentes.
Des mouvements et des échanges dans une ère mondialisée où les frontières ne cessent de bouger, voilà l’univers que restitue le commissaire Alain Berland, avec l’exposition « Des hommes, des mondes » qui emplit la nef et la sacristie du Collège des Bernardins, à Paris. Mais plus que l’acculturation voulue ou contrainte, que résume à la fois lucidement et impitoyablement Matthew Darbyshire avec la superposition dans un caisson de Plexiglas d’un tabouret traditionnel africain et d’un autre en forme de nain de jardin teint en noir signé Philippe Starck (Stool Series, 2010), ce qu’explore avant tout cette proposition ce sont des circulations de gestes et de signes ; autant de témoignages de la multiplicité des identités qui émergent ou tentent de se définir dans l’inexorable dynamique du monde.
Dans un accrochage dynamique se télescopent, intelligemment et sans se cabosser, les travaux contrastés des dix-sept artistes invités, qui toutes semblent lutter contre une uniformisation du goût et de la pensée. Alors que Jacques Villeglé s’est rendu à Buenos Aires pour y découper des affiches lacérées, témoignages d’un mode de communication disparu dans de nombreux pays, Sylvie Fanchon semble lui répondre avec son mur monochrome bleu sur lequel des flèches évoquent la circulation des images (Avance rapide, 2004). Tandis que d’une sphère de Chen Zhen composée d’un agrégat de vêtements variés s’échappent des voix de migrants (The Voice of Migrators, 1995).
Dans le jardin interpellent deux sculptures de Stéphane Vigny, étranges hybrides de sculptures de Brancusi qui semblent insister sur la domestication des signes et la manière dont l’art moderne a irrigué les arts populaires… à moins que finalement ce ne soit l’inverse, on ne sait plus !
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À toute allure
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 15 juin, Collège des Bernardins, 20, rue de Poissy, 75005 Paris, tél. 01 53 10 74 44
www.collegedesbernardins.fr
tlj 10h-18h, dimanche 14h-18h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°413 du 9 mai 2014, avec le titre suivant : À toute allure