Encore peu connue en France, l’artiste allemande développe une peinture sans concession qui force à regarder le monde dans sa crudité existentielle.
En même temps que Paris+ par Art Basel, se tenait, en octobre 2023, la première exposition personnelle de la peintre allemande Tatjana Doll, dans les espaces parisiens de la galerie Droste. Une opportunité, pour le public et les collectionneurs venus visiter la foire d’art contemporain, de découvrir la peinture de cette artiste encore peu exposée en France. Ailleurs pourtant, Tatjana Doll a déjà acquis une place institutionnelle forte. En Allemagne, en Suisse, au Portugal, en Espagne, mais aussi aux États-Unis ou Brésil, la liste est longue des institutions et des collections importantes, publiques ou privées, dans lesquelles ses œuvres sont entrées ou ont été exposées. Une reconnaissance qui n’a pas encore eu lieu en France.
Comme le soulignent les fondateurs de la galerie Droste à Düsseldorf, Katharina Galladé et Patrick Droste, « les marchés allemand et français sont très différents, et les artistes allemandes sont très peu visibles en France ». Toutefois, poursuivent-ils, « Doll a réussi a se construire un réseau d’acheteurs avec l’aide de Jean Brolly, son premier galeriste à Paris ». Ainsi, sa peinture est présente dans les collections du FRAC de Rennes, et elle a été montrée dans d’importantes expositions collectives, comme « Collection 3 », en 2010, à la Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon, « Guernica », au Musée Picasso, en 2018, ou encore « Urgent Painting », au Musée d’art moderne de la ville de Paris, en 2002.Et si Tatjana Doll a décidé de travailler avec la galerie Droste, à Düsseldorf et à Paris, c’est précisément pour accroître sa visibilité – en France, bien sûr, mais aussi à l’international. Selon Katharina Galladé et Patrick Droste, « cette nouvelle collaboration lui permettra d’être présente dans les foires d’art contemporain du monde entier, et de toucher un nouveau public, plus jeune et plus en phase avec l’art contemporain ».Mais qu’est ce qui rend la peinture de Tatjana Doll singulière ? Pour Katharina Galladé, Doll s’est imposée en Allemagne car elle a « toujours résisté à un Zeitgeist [esprit du temps, NDLR] spécifique ou à un goût dominant. Chaque trait de sa peinture dégage une vigueur qui ne laisse pas de place à l’incertitude. C’est ce qui lui permet de représenter son époque avec tant de clarté ». Le monde dans lequel vit Tatjana Doll est raconté sans filtre. En dépouillant les objets ou les personnes qu’elle dépeint de leur contexte, l’artiste les représente sous leur forme pure. Et en les plaçant au premier plan de son processus de création, elle crée des réalités qui nous frappent comme une explosion. « Peu d’artistes parviennent à une efficacité aussi dure et révélatrice du monde par leur peinture. Ainsi, précise la galeriste, Tatjana est devenue un modèle pour les jeunes artistes allemands, car elle a toujours défendu une œuvre sans compromis. Son style de peinture est revenu sur le devant de la scène au cours de ces dix dernières années. »
Dans ce monde que Tatjana Doll capte, on retrouve toute une imagerie contemporaine, l’artiste détournant des symboles de nos sociétés. Ici, des motifs triviaux comme la voiture de course ou le porte-conteneurs, là, des icônes de la culture populaire véhiculées par la mode, la publicité ou le cinéma – tel le rappeur cagoulé arborant le logo Chanel. Des sujets peints dans le style corrosif si caractéristique de l’artiste : frontal, vif et précis. L’œuvre de Tatjana Doll force à regarder autrement le monde qui nous entoure. Levant le voile sur les choses, elle renverse les projections sociales et les valeurs établies, comme la vaine soif de puissance ou le désir illimité de richesse. Empreinte d’une forte tradition allemande qui a su aiguiser la notion de beauté – dépouillée d’artifice ou de pathos poétique – la peinture de Tatjana Doll nous met face aux choses dans leur crudité et leur nudité existentielles. Sans concessions. Sans complaisance, ni jugement.
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Tatjana Doll, hyperréaliste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°772 du 1 février 2024, avec le titre suivant : Tatjana Doll, hyperréaliste