Alors qu’à Toulouse le Printemps de septembre s’intéresse à la performance, son vingtième anniversaire est marqué par une exposition souvenir au Domaine Pommery, à Reims.
TOULOUSE ET REIMS - Pour sa vingtième édition, et la dixième depuis sa relocalisation de Cahors à Toulouse (Haute-Garonne), le Printemps de septembre semble clore une boucle. Initialement consacré à la photographie et la vidéo, le festival s’est progressivement ouvert aux arts plastiques avant de se focaliser, cette année, sur la performance, sous la conduite d’Éric Mangion, directeur du centre national d’art contemporain à la Villa Arson, à Nice. Associé à Isabelle Gaudefroy, responsable des Soirées nomades de la Fondation Cartier, le commissaire s’attelle toutefois à une lecture très ouverte de cette discipline, tout en convoquant, évidemment, les liens entretenus entre l’acte et l’objet. En débarrassant ce dernier du statut résiduel qui trop souvent lui est accolé dans ce contexte, il interroge l’émergence des formes plastiques issues de l’action. A contrario sont également convoquées des traces de performances afin de considérer leur capacité de résistance à l’écoulement temporel. Des artistes tels Catherine Sullivan, Martin Kersels, Arnaud Labelle-Rojoux, Boris Achour, Arnaud Maguet & Olivier Millagou ou Tim Etchells sont de la partie.
À Reims (Marne), le Domaine Pommery célèbre lui aussi l’anniversaire de la manifestation, dont Paul-François et Nathalie Vranken furent des mécènes de la première heure. D’une série d’échanges entre la maîtresse des lieux et Régis Durand, directeur artistique du festival depuis son origine, est né un parcours regroupant une trentaine d’artistes et autant de souvenirs parmi ceux qui se sont imposés à eux lors de leurs discussions. Pour le visiteur assidu du festival réapparaissent alors, et ce n’est pas le moindre des intérêts, des travaux de bonne facture qui avaient été oubliés, telle une remarquable structure hybride de Siobhán Hapaska (Where there’s no soil just underpants, 2004) ou un film touchant des Turinois Botto e Bruno montrant des enfants se disputant dans la rue (Kid’s Riot, 2006).
Fortunes diverses
La particularité des lieux donne un tout autre relief à certaines œuvres, qui acquièrent là une présence encore plus appuyée, ou se révèlent plus complexes encore. Le Refuge (2007) de Stéphane Thidet est de celles-là, cabane en bois à l’intérieur de laquelle il pleut à verse, qui gagne encore en étrangeté par rapport à sa présentation aux Abattoirs, à Toulouse. Le trou noir de Björn Dahlem (Black Hole, 2005), sorte d’explosion de tasseaux entre lesquels sont intercalés des objets comme aspirés par une force centripète, impose une autre présence avec un dynamisme paraissant accru. D’une hauteur de 30 mètres, l’incroyable assemblage de quelque 5 000 planches de bois des frères Chapuisat prend une ampleur inédite, en devenant kafkaïen et sépulcral à souhait (Projet en cours, 2007). Le changement de latitude n’est pas miraculeux pour autant. Déjà décevant à l’Espace EDF Bazacle, à Toulouse en 2003, le matelas de Leandro Erlich, rempli d’eau et couvert d’un motif aquatique censé faire illusion, manque toujours autant de relief et de crédibilité optique (Eau molle).
L’exposition interroge en outre la possible transposition des œuvres dans un contexte nullement muséal, qui plus est soumis à des conditions extrêmes en termes de conservation : la photographie, notamment, peut difficilement s’acclimater aux 98 % d’humidité des lieux. C’est donc un travail d’adaptation qui a été mené, avec la suspension, dans les couloirs, d’écrans sur lesquels défilent des séries d’images autrefois tirées sur papier. Si le questionnement est pertinent, les fortunes sont diverses, résultant peut-être de la plus ou moins grande implication des artistes dans l’aventure, ou de la capacité de résistance du motif. Si le dynamisme acquis par les clichés de Valérie Belin ou Anna Fox est bluffant, Stéphane Couturier et Roland Fischer s’en tirent bigrement moins bien, leurs images s’accommodant mal de la temporalité nouvelle qui leur est imposée et leur fait perdre l’immobilisme nécessaire à leur contemplation, à leur compréhension.
Jusqu’au 17 octobre, tél. 05 61 21 17 01, www.printempsdeseptembre.com, du lundi au vendredi 12h-19h, samedi et dimanche 11h-19h
Commissaire : Éric Mangion, directeur du centre d’art à la Villa Arson, Nice
Nombre d’artistes : environ 50
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Souvenir, action !
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 31 mars, Domaine Pommery, 5, place du Général-Gouraud, 51100 Reims, tél. 03 26 61 62 56, www.pommery.com, tlj 10h-18h
Commissaires : Régis Durand et Nathalie Vranken
Nombre d’artistes : 31
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°332 du 8 octobre 2010, avec le titre suivant : Souvenir, action !