PARIS - Raymond Roussel (1877-1933) fut – et est encore – une telle source d’inspiration pour les artistes que la question méritait bien une exposition. Le commissaire François Piron s’y attelle dans le cadre de « Soleil froid », le nouveau programme du Palais de Tokyo, à Paris.
Les amateurs espérant voir s’incarner là un peu de la figure ou de l’homme en seront pour leurs frais. Les curieux plutôt attachés à l’esprit et à ses divagations construites devraient à l’inverse s’y retrouver pleinement.
Ni illustration ni véritable hommage, la proposition, tel un collage d’indices, mêle habilement entre elles des œuvres de très bonne facture, parfois directement inspirées par l’écrivain mais pas toujours, évitant ainsi le panégyrique à l’éminente figure. C’est un parcours tout en méandres mentaux qui se développe ; l’accrochage strict et sans fioritures s’attache à un mode de fonctionnement devenu mythique autant que déroutant, qui pratique avant l’heure la déconstruction du langage et use d’une terminologie à double sens. D’emblée Sabine Macher s’y intéresse à travers le roman La Doublure (1897), publié par Roussel à l’âge de 19 ans, que l’artiste a fait relire intégralement à des amateurs qui parfois butent sur la redoutable structure en alexandrins (Toute la doublure, 2012, lecture performance).
Machineries et trucages
Mais ce qui évidemment fait le sel de cette exposition, c’est une propension des artistes invités à imaginer, à penser un voyage où se confondent déplacement physique et évasion mentale, à l’instar de ce film de Salvador Dalí, Impressions de la haute Mongolie (1975), prétexte à un développement narratif au long cours à partir d’une tache de rouille. Créer plus que révéler des images du monde et des « impressions », c’est ce que font des artistes s’intéressant à des formes rituelles, tels Mark Manders ou le duo João Maria Gusmão & Pedro Paiva ; lorsque le premier convoque de mystérieux tableaux vivants où des personnages inertes s’insèrent dans une complexe machinerie qui n’est pas sans évoquer celle de Locus Solus (Mind Study, 2011), les seconds mettent en scène des films où le surnaturel révèle ses trucages.
Le territoire est lui aussi mis en exergue. Parfois de manière directe, avec la formidable caverne imaginée par Mike Kelley qui symbolise une forme de régression après l’abandon forcé de la ville de Kandor (Exploded Fortress of Solitude, 2011). Ou subrepticement dans une boîte de Joseph Cornell où du sable bleu et une spirale en métal semblent agglomérer un espace imaginé et un décor de théâtre (Blue Sand Box, 1950). Voyage et théâtre se rejoignent en effet chez Roussel et ses admirateurs, générant des mondes presque à l’infini…
Jusqu’au 20 mai, Palais de Tokyo, 13, av. du Président-Wilson, 75116 Paris, tél. 01 81 97 35 88, www.palaisdetokyo.com, tlj sauf mardi midi-minuit.
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Soleil froid - Usine étrange
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Abonnez-vous dès 1 €Affiche de l'exposition "Soleil froid" au Palais de Tokyo
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°389 du 12 avril 2013, avec le titre suivant : Soleil froid - Usine étrange