Malgré un budget en berne, le Festival international de la photographie et des arts visuels, PhotoEspaña, qui vient d’ouvrir ses portes à Madrid, résiste à la crise. Le contexte économique difficile a plus encore perturbé la 4e édition de la foire MadridFoto, organisée au début du mois de juin. De son côté, fort de son succès au Grand Palais, la foire Paris Photo lance à Los Angeles sa première édition américaine pour le mois d’avril 2013.
MADRID - « Les relations entre l’art, la culture et la mondialisation se sont transformées d’une manière aussi radicale que silencieuse ces quinze dernières années (…). PHotoEspaña (PHE) explore les dynamiques de cette question cruciale qui implique de nouveaux artistes (...) », annonce Gerardo Mosquera, commissaire général cubain (2011-2013) de ce festival madrilène international de la photo et des arts visuels. Accélérant le virage pris vers le « photographique » conceptuel, sa quinzième édition développe le thème « Desde aqui, Contexto e internacionalizacion » (« D’ici, contexte et mondialisation »), un remue-méninges porté sur la critique sociale et politique qu’affectionne ce théoricien de l’art contemporain basé à La Havane.
Depuis « De la Factory d’Andy Warhol au monde », phalanstère artistique libertaire documenté à New York par des inédits de Billy Name, Stephen Shore ou Birgit Berlin (Teatro Fernan Gomez) à la « Photographie comme intervention », une critique dure de l’autoritarisme que le plasticien Carlos Garaicoa (1967, Cuba/Fundacion ICO) applique à l’espace urbain, en passant par « Habla » (Parole), des installations contestataires par la performeuse Sharon Hayes (1970,USA/Museo Reina Sofia) ou « L’image absente » du collectif vidéaste indien Raqs Media (El Matadero), les vingt-trois expositions de la section officielle examinent l’impact global d’œuvres aux prises avec les réalités d’un contexte local. L’Asie et l’Amérique latine, en pleine crise de croissance, sont poussées sur le devant de la scène de PHE12.
Le choc des images
Amputé d’un quart de son budget réduit à 2,3 millions d’euros cette année, ce festival résiste à la crise. Au pays des indignados (indignés), cette édition centrée sur des œuvres produites entre 2005 et 2011 continue à voir rouge. L’activisme s’y montre inventif. Équipés du « Fulgurator », une technique brevetée qui imprime à l’insu des photographes un mot sur leur pellicule au moment où se déclenche le flash, Santiago Sierra (1966, Espagne) et Julius von Bismarck (1983, Allemagne) ont infiltré la visite du Pape Benoît XVI à Madrid (2011) en projetant le mot « No » au dessus du Saint-Père. La presse enquête sur cette action mystérieuse au moment où la pub tente de récupérer ce système à subvertir les images.
Autre temps fort, l’exposition collective « Aqui estamos » (« Nous sommes ici »/ Circulo de Bellas Artes) juxtapose des portraits renvoyant au chaos existentiel : « La photographie, ange de l’Histoire, lutte contre le temps », dit Paz Errázuriz (Chili, 1944) de sa série mortifère « Le combat contre l’ange » (1987) : les bleus à l’âme de ses boxeurs chiliens se cognent au blues de la star Marylin Monroe qui oublie l’objectif du photographe de mode Richard Avedon (1923-2004) comme le père alcoolique de Richard Billingham (Royaume Uni, 1970) s’absente du regard filial. S’offrant à demi nus au soleil hivernal, les « Bronzés » (1998) de Lilla Szász (Hongrie, 1977) ont le visage de SDF. « En quinze ans les pratiques de l’art contemporain ont essaimé partout. En Chine où n’existait que l’art traditionnel ou le réalisme socialiste ont surgi l’art vidéo, les installations, les performances tout autant pratiqués en Inde ou au Moyen-Orient. (...) Ce changement fondamental a vu naître une lingua franca, sorte de langage artistique construit, reconstruit, brisé et mis au service d’une communication globale », constate Gerardo Mosquera.
Organisée par le Japonais Fumio Nanjo, directeur du Mori Art Museum (Tokyo), l’exposition ironique « Asia Serenpidity » (« Félicité de l’Asie »/Teatro Fernan Gomez) sort de l’ombre dix jeunes talents qui abolissent les frontières entre les genres et les catégories à l’instar des fantaisies grotesques de la poupée « Madame Concombre » (1999) engluée dans des jeux surréalistes par l’artiste japonaise Miwako Iga ou du roman-photo « bollywoodien » de l’artiste indienne Pushpamala N. Plus radical, le commissaire chinois Huang Du dénonce « L’Anxiété de l’Image » (Alcala 31) que génèrent des scènes d’interrogatoire en Chine, des manifestations en Israël tandis que « La propagande revisite l’histoire » (2010) du vidéaste Chen Chieh-jen, évoque l’amnésie du peuple taïwanais. Riche et pauvre, gaie et triste, l’Amérique latine se voit duale dans « Schizophrénie tropicale » (Instituto Cervantes), une pépinière de talents. Le niveau de vie qui grimpe accroît les injustices à l’image de « Paraisopolis » (2004) de Tuca Vieira (1974, Brésil) montrant une HLM équipée de piscines à chaque étage, avec vue sur la favela d’en face. Le débat engagé à travers soixante-dix positions madrilènes de PHE se prolongera à Barcelone où la revue photo Ojo de Pez lancera l’événement « Photos Meetings » en avril 2013.
Jusqu’au 22 juillet, XVe festival de photographie et des arts visuels, Madrid. www.phe.es. Catalogue en ligne et festival OFF dans 38 galeries madrilènes.
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PhotoEspaña plonge dans la mondialisation
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Abonnez-vous dès 1 €- Nombre d’expositions : 70
- Nombre d’artistes : 300 de 45 pays
- Commissariat : Gerardo Mosquera, commissaire et critique indépendant (La Havane, Cuba)
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°372 du 22 juin 2012, avec le titre suivant : PhotoEspaña plonge dans la mondialisation