Patrick Saytour, l'un des fondateurs de Supports/Surfaces, fait l'objet d'une belle rétrospective à la galerie Chez Valentin à Paris.
.Avec un panel d’œuvres anciennes et très récentes, Patrick Saytour propose à la galerie Chez Valentin, à Paris, un parcours remarquable de cohérence dans le temps, où sans cesse est questionné l’acte de peindre.
À la vue des œuvres anciennes autant que récentes exposées ici, se pose la question de savoir si l’un de vos postulats de départ était de faire de la peinture sans peinture ?
Vous utilisez le mot peinture dans deux sens. Car « sans peinture » cela voudrait dire sans matière de peinture, sans tubes, etc. Il n’y a pas eu de décision de ce type, de volonté délibérée à ce sujet, mais il y avait effectivement la tentative de ne pas faire automatiquement l’amalgame entre, disons, « la » peinture et « de la » peinture : peinture à l’huile, à l’acrylique, etc. Le terme peinture en français est évidemment très ambigu car il parle à la fois de la matière et du concept, mais le travail dans les années de décision, de la fin de 1966 jusqu’à 1970, comportait de la peinture. Mais il est vrai que dans cette exposition, il n’y a pas beaucoup de toiles avec de la matière peinture.
S’agit-il d’un choix délibéré de ne pas avoir voulu revenir sur ce type de travaux ?
Non. Ce n’est pas pour me défausser, mais le choix a été essentiellement effectué par Philippe Valentin. Ses choix sont assez éclairants. Il connaît bien mon travail, sa galerie, son propos, et il m’a beaucoup aidé à sélectionner ce qui pouvait correspondre à tout ça. J’avais montré à la galerie, lors de deux précédentes expositions de groupe, des peintures sur toile. Est-ce pour cela qu’il n’a pas jugé nécessaire d’en représenter dans cette exposition ? Je ne sais pas, je ne lui ai pas posé la question. Il a sans doute voulu faire la bascule avec un travail plus actuel.
À propos de l’œuvre la plus ancienne de cette exposition, une toile cirée partiellement brûlée (Sans titre, 1967), est-ce qu’à cette époque-là vous cherchiez à assumer une charge décorative tout en la bousculant avec des accidents ?
Le rapport au décoratif existe et c’est vrai. Il y a une phrase de Matisse qui dit que toute grande peinture est décorative. Il est évident qu’il donne là la solution à ce qui apparaîtrait comme un problème. Le décoratif dans la peinture, comme le décoratif et la peinture, m’ont toujours questionné. Je dois dire que j’ai étudié aux Arts décoratifs et non pas aux Beaux-arts, il y avait donc chez moi une interrogation sur cette frontière ou cette vibration entre l’un et l’autre. Ce qui fait que j’ai peut-être dès le départ travaillé en intégrant le piège du décoratif dans la peinture, ceci étant à la fois conscient et surtout inconscient. Cette toile cirée relèverait de ce qui correspondrait à un tissu décoratif.
L’œuvre Sol/Mur, qui est très récente (2013) et accrochée presque en face, est-elle une continuité de ce travail séminal ?
Objectivement oui. C’est pour cela qu’elle a volontairement été mise non loin de la peinture ancienne. Ce n’était pas prévu, mais c’est un effet d’accrochage qui a révélé ce que vous soulevez, comme des reprises avec des nouveautés dans le travail. Car ce balatum (revêtement de sol) ressemble à des tissus imprimés, c’est une matière qui est déjà chargée. Il y a un artiste ou un designer qui est intervenu et a fait le premier fond. Donc on n’intervient pas sur une toile blanche ou monochrome, il y a déjà un passé quand je commence moi-même à intervenir. Il est exact que ça se retrouve à la fois dans les toiles cirées et le balatum.
L’usage de nouveaux matériaux tels que le jean ou la fourrure synthétique constitue-t-il quelque part une actualisation de Supports/Surfaces ?
J’ai du mal à parler de Supports/Surfaces, car ce n’est pas ma préoccupation. Ce n’est pas à moi de dire si une œuvre représente une poursuite, un prolongement, un renouvellement ou un rejet de mon premier travail. Je n’ai pas la volonté de faire une démonstration. Les glissements s’opèrent d’une manière qui reste heureusement assez mystérieuse et sans esprit dogmatique ni vouloir se répéter. Je questionne mon travail antérieur. Ce questionnement suffit à produire mon œuvre et non pas à l’assécher. Je continue donc à me laisser mener, à la fois d’une manière lucide et sans boussole, par ce que peut m’apporter un matériau que je n’avais pas utilisé jusque-là, un objet qui réapparaît, est plus ou moins ancien, plus ou moins personnel, etc.
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Patrick Saytour : « Je questionne mon travail antérieur »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 février, Galerie Chez Valentin, 9, rue Saint-Gilles, 75003 Paris, tél. 01 48 87 42 55, www.galeriechezvalentin.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-13h / 14h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : Patrick Saytour : « Je questionne mon travail antérieur »