Actuellement à l’affiche de la galerie Nathalie Obadia, à Paris, Pascal Pinaud revisite le « grand art » à l’aune de la culture populaire.
Fidèle à son caractère de franc-tireur qui, inlassablement, revisite le « grand art » à l’aune de la culture populaire, Pascal Pinaud (né en 1964) est présenté à la galerie Nathalie Obadia, à Paris. Au menu, un Arbre à fèves, des assiettes en céramique de Delft ou des assemblages de rebuts de mobilier de cuisine inspirés par Malevitch…
Frédéric Bonnet : L’une des œuvres les plus spectaculaires de votre exposition est un « Arbre à fèves » (2006-2011) en résine totalement recouvert de fèves trouvées dans des galettes des rois. Fondez-vous votre pratique sur un détournement du réel ?
Pascal Pinaud : Cette œuvre parle de la pratique et d’un rapport au temps. Je sors beaucoup de mon atelier pour voir ce qui se passe dans le réel ; je me base sur un « principe de réalité » qui, parfois, me fait penser à de l’art et génère des pièces. L’humour m’intéresse également. La première idée était de faire une sculpture qui ait été sucée par quantité de gens. Cinq ans plus tard, on obtient un Arbre à fèves qui est, pour moi, un travail générique, dans l’idée de Saint Louis rendant le droit sous un arbre ou de ces arbres en acier permettant de retrouver l’emplacement d’un puits dans le désert, par exemple ; c’est donc porteur de sens. Il y a ici toute cette accumulation au travers de plusieurs années de dons, de chine, de consommation propre, etc., qui est manifestée par ces 20 481 fèves. Je ne voulais surtout pas en acheter des neuves. Il fallait qu’il y ait une histoire et de l’ADN !
F. B. : Vous mêlez dans votre accrochage des motifs décoratifs tels des « Assiettes de Delft » (2005-2011), des tissus imprimés, de la toile de Jouy. Est-ce une manière de revisiter le champ pictural ?
P. P. : J’ai dans mon atelier des tas de tissus de divers styles qui vont de la toile de Jouy à des étoffes portugaises, car ils racontent une histoire. L’histoire du motif m’intéresse énormément, tout comme celle de l’ornemental, même si le décoratif est mal vu en ce moment. C’est pourquoi, en me disant que je ferai de la peinture « autrement », je pense mettre du sérum physiologique dans ma palette et ne pas utiliser du vert Véronèse, car cela ne m’intéresse pas. Que l’on soit un peintre figuratif ou abstrait, tout a été fait ; si vous voulez incarner quelque chose dans l’histoire de l’art aujourd’hui, il faut aller dans des chemins de traverse. J’essaie donc de chercher dans des « banlieues » les moyens de définir un art qui passe par d’autres modalités. L’art populaire en est une, il est l’une des couleurs de ma palette. Les tissus en sont une autre. Quand je suis sorti diplômé de l’école d’art de la Villa Arson, à Nice, j’avais quatre séries de travaux à mon actif. J’en ai désormais vingt-sept, dont les dernières sont des Néons (2011) reprenant la forme des feux d’une gazinière, et les Patères (2011). Je ne m’interdis rien, je ne suis pas complexé par l’histoire de l’art. Le fait d’avoir travaillé comme assistant de Martin Kippenberger et d’autres m’a permis de voler des savoir-faire. Le rapport à l’artisanat m’intéresse, comme d’autres vont se servir de la science, de la science-fiction, de lectures, etc. Mais je ne suis pas un artisan dans l’idée où je répéterais une colonne Louis XVI maintes et maintes fois.
F. B. : L’infiltration d’objets et de gestes de la culture populaire dans le « grand art » vous permet donc de regarder la peinture, de l’interroger, la travailler…
P. P. : Rester sur une pratique traditionnelle, être peintre pour être peintre, ne m’intéresse pas ; je ne veux pas incarner cela. Ce qui m’intéresse, c’est de m’approprier un objet, un matériau, une pratique, un résidu… Pour la série des Patères, je travaille avec un cuisiniste chez qui je récupère des rebuts. Je les place sur des becs de cygne qui seraient des attaches de caravane, et, à partir de là, le travail commence. Les pièces tombent comme pourraient tomber des vêtements posés sur une patère. J’essaye donc de renouveler ma palette avec des éléments de la banlieue, des éléments de « low art », et de les élever à un autre niveau.
F. B. : Il n’y a là nulle transformation de la matière, mais plutôt une idée de manipulation…
P. P. : De manipulation, de superposition. Il y a le rapport à l’apesanteur pour voir comment ça tombe, et ensuite des détails sont retouchés. C’est tout, je ne vais pas aller au-delà de cela.
Jusqu’au 25 février, Galerie Nathalie Obadia, 3, rue du Cloître-Saint-Merri, 75004 Paris, tél. 01 42 74 67 68, www.galerie-obadia.com, tlj sauf dimanche 11h-19h.
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Pascal Pinaud : « Le rapport à l’artisanat m’intéresse »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Pascal Pinaud : « Le rapport à l’artisanat m’intéresse »