Avant le château de Versailles au printemps, Bernar Venet (né en 1941) est l’invité des Abattoirs, à Toulouse.
S’y mêlent l’artiste et le collectionneur. Un exercice qui met en lumière la cohérence de goût entre l’un et l’autre : Venet dans son « context ».
Combien y a-t-il d’œuvres dans l’exposition, et combien de Venet ?
Il y a 97 œuvres exposées dont 22 sont des travaux de moi. Les miennes représentent donc moins de 25 %.
Vous aviez déjà exposé votre collection à l’Espace de l’art concret à Mouans-Sartoux, en 2009. Pourquoi la remontrer aujourd’hui, et avec des œuvres à vous ? Pourquoi ce « context » ? Premièrement, il ne s’agit pas de mon idée. Deuxièmement, en général je n’aime pas prêter ma collection car je suis malheureux quand je n’ai pas mes œuvres autour de moi. C’est Alain Mousseigne [le directeur des Abattoirs] qui m’a demandé d’exposer cette collection. J’ai répondu que cela avait été déjà fait et il a eu l’idée d’ajouter mes travaux afin de montrer des équivalences, des correspondances. Je suis ravi aujourd’hui d’avoir fait cette exposition car il m’a bluffé, il a vraiment fait une exposition spectaculaire.
Combien d’œuvres possédez-vous ?
D’œuvres qui commencent à mériter le statut d’œuvres d’art pouvant être exposées dans un musée, disons un peu plus de 150, dont peut-être 60 pièces vraiment importantes et qu’aujourd’hui tous les musées voudraient avoir.
Votre collection, qui comprend environ 80 % d’artistes américains, reflète vos liens avec les États-Unis. Dans quelle mesure votre installation là-bas et vos échanges avec les artistes américains ont-ils pu influencer votre propre travail ?
Je pense que cela m’a influencé dans le sens où j’ai pris une leçon devant ces artistes dont je connaissais le nom et en partie l’œuvre, des artistes de l’art minimal notamment. Quand j’ai vu une grande exposition au Whitney Museum [New York], j’ai eu un choc et me suis dit que c’était avec eux qu’il fallait se mesurer. Quand j’allais aux vernissages [du galeriste] Leo Castelli, dès mon arrivée en avril 1966, je voyais autour de moi Rauschenberg, Robert Morris et Jasper Johns : c’était le vrai ring sur lequel on devait s’exprimer et gagner des points ! Cela m’a encouragé à foncer. J’ai pris une autre leçon des Américains, celle du formalisme. Malgré le fait que mon travail, pour certains, paraisse très intellectuel et théorique – et il l’était à l’époque de l’art conceptuel –, je pense que le formalisme américain m’a donné une leçon dont je profite aujourd’hui dans ma sculpture. Je crois que c’est uniquement là, car on oublie de penser que j’étais un des premiers de l’équipe des artistes conceptuels à utiliser le langage, et que ce ne sont donc pas eux qui m’ont influencé. Ensuite, on se voit, on se mélange, on se stimule et on tente de se dépasser. Mais ces gens-là n’ont pas eu une influence directe sur ma pensée. Je crois que c’est plutôt le formalisme qui m’a influencé.
Il y a, entre votre collection et votre création, une certaine forme d’esthétique industrielle très commune aux deux, mais aussi une certaine matière de l’esprit, avec les calculs notamment… Absolument. On ne devient pas ami avec des gens qui font le contraire de ce que vous pensez. Et je dis souvent que, si j’ai acquis ces œuvres, c’est peut-être parce que j’aurais voulu les faire. Je n’en ai pas eu l’idée ni le temps, simplement cela fait partie de mon univers mental. Il y a ce que j’ai produit, ce que les autres ont produit, et tout cet univers est un petit peu le reflet de ma personnalité.
Votre exposition au château de Versailles, au printemps prochain, est-elle confirmée ?
Le projet est confirmé, en principe pour le 30 mai. Je n’exposerai pas à l’intérieur parce que ça ne se prête pas à mon travail. Je ne vais pas mettre quelques petites maquettes alors que j’ai l’ambition d’installer des sculptures importantes, très physiques. Il y en a une notamment qui est à la mesure réelle du bâtiment. Je n’aurai donc que des œuvres à l’extérieur, cinq ou six seulement.
Des œuvres récentes, voire des créations spécifiques ?
Il y aura une création spécifiquement pensée pour Versailles, un geste très fort que je ne pourrais pas vous décrire et qui est tout à fait approprié à cet espace-là. Les autres seront produites spécialement, car elles seront un peu plus grandes que les pièces originales, ou bien parce que je n’ai pas assez d’œuvres car j’ai des expositions en cours. J’ai absolument voulu avoir là les dimensions qui convenaient.
Jusqu’au 13 mars, Les Abattoirs, 76, allée Charles-de-Fitte, 31300 Toulouse, tél. 05 62 48 58 00, www.lesabattoirs.org, tlj sauf lundi et mardi 11h-18h, le week-end 11h-19h
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Paroles d’artiste - Bernar Venet
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°338 du 7 janvier 2011, avec le titre suivant : Paroles d’artiste - Bernar Venet