Outsider, un projet musical transmédia

En voici un nouvel exemple : en 2005, Philippe Cohen Solal découvre au Folk Art Museum de New York l’existence d’Henry Darger (1892-1973). Coïncidence, le lendemain, il fait, via des amis communs, la connaissance de Kiyoko Lerner, légataire universelle de ce représentant majeur de l’Art brut américain. Le compositeur français a un coup de cœur pour cet artiste à la marge qu’il rêve de mettre en musique – et auquel, l’année suivante, la Maison rouge à Paris consacrera sa première exposition en France. Convaincue, Kiyoko Lerner lui donne son accord ainsi qu’une clé USB contenant la totalité des reproductions des œuvres. En 2015, sort en urgence et en édition limitée un mini-album cosigné avec le compositeur anglais Mike Lindsay. L’aventure aurait pu en rester là. C’est peut-être un accident en mer du Nord, où il croit frôler la mort, qui donne à Philippe Cohen Solal le courage de poursuivre. Car il n’est pas simple d’adapter sans trahir. Comment chanter les combats des Vivian Girls, ces créatures enfantines hermaphrodites mêlées à d’épiques atrocités ? Pour éviter d’aseptiser l’univers de Darger, faire entendre aussi le côté malhabile de son trait, Cohen Solal a demandé à l’ingénieur du son de déformer les chœurs et d’introduire des harmonies « bizarres », tout en conservant à l’ensemble une ampleur musicale qui traduise la folie de l’œuvre originale. L’album Outsider, Inspired by Henry Darger, en offre au final une version pop pleine de lyrisme. Il s’accompagne d’un court métrage d’animation, entre clip et documentaire, le tout hébergé sur un site qui propose également des podcasts, entretiens d’experts et témoignages autour de l’artiste américain. Bien au-delà d’un simple disque.