Avec une série d’expositions, la cité phocéenne revisite sa propre vitalité créatrice. Une manifestation électoraliste qui masque mal un profond délabrement culturel
Marseille - Pénétrant dans la chapelle de la Vieille Charité, à Marseille, le visiteur est agréablement bercé par le tintement des cloches de verre de Javier Pérez, dont les battants sont remplacés par des bras faits du même matériau (Tempus fugit, 2002-2004). Dans un bel accrochage, Françoise Guichon y a dispersé les travaux de nombre d’artistes spécialement venus travailler à Marseille, au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva) dont elle est directrice. S’y mêlent ainsi Ettore Sottsass (lire aussi p. 3), Robert Wilson, Pierre Charpin, Paul-Armand Gette, Jean-Michel Othoniel ou Giuseppe Caccavale.
Organisée sur cinq lieux, la manifestation « Marseille Artistes Associés, 1977-2007 » entend célébrer la vitalité créatrice jamais démentie de la ville au cours des trente dernières années. Une ville qui s’est toujours montrée fort attractive pour des artistes en quête d’espaces de travail, que ceux-ci purent trouver nombreux et peu onéreux à partir de la fin des années 1960, marquées par le début du repli industriel.
En invitant les divers acteurs de ce foisonnement – institutions, associations, collectifs, lieux d’expositions... – à participer, Thierry Ollat, commissaire de la proposition, a pris le bon chemin. Le projet qu’il a concocté au Musée d’art contemporain (MAC) en témoigne : plutôt que d’exposer une fois encore le banc et l’arrière-banc des artistes marseillais, un espace du musée a été offert à vingt-six structures indépendantes, en les laissant libres de composer leur propre exposition dans l’exposition.
Le résultat est passionnant car se dégage de l’ensemble une grande diversité, dans les images comme dans le ton, laissant en fin de parcours l’impression d’avoir traversé un vaste laboratoire, très engagé. Les approches sont différentes. Si le Bureau des compétences et désirs, structure de production, présente une vaste installation de Michelangelo Pistoletto ou une sculpture d’Hervé Paraponaris, Red District, qui dispose d’un lieu d’exposition dans le quartier du Panier, se
« contente » d’un papier peint et d’un film relatant l’ensemble de son programme et l’ambiance des accrochages depuis 1994. Triangle, qui organise des résidences, expose plusieurs artistes conviés par le passé, tels Jim Lambie ou Stefan Sehler, alors que le collectif d’artistes La Compagnie ne montre pas d’œuvres mais adopte une démarche plus documentaire, néanmoins très vivante, de ses activités. Avec une installation de Julien Tiberi, RLBQ opte pour la jeune création, quand la Galerie Athanor revient sur son histoire avec des noms tels Vincent Bioulès ou Pierre Buraglio.
Tout cela pourrait ressembler au meilleur des mondes si l’on oubliait le contexte. Il est pourtant de tristes faits que ne peut occulter une propagande municipale, qui, à quelques mois des élections, semble vouloir faire fi des réalités et masquer son désengagement du champ culturel en laissant croire à de l’activisme.
Fonte des budgets
Depuis la première mandature de Jean-Claude Gaudin (1995), qui n’a jamais caché son aversion pour la création contemporaine, sauf lorsqu’elle touche au folklorique, le budget consacré à la culture a fortement décru, et celui des musées concomitamment. Car si la dotation de la culture se maintient aux environs des 7,5 % du budget municipal, les sports et les fêtes ont été intégrés à cette enveloppe. Sur un budget de 40 millions d’euros accordé en 2007 à la direction générale des affaires culturelles, dont dépendent les musées, seuls environ 2,5 millions sont revenus à ces derniers (pour les dépenses de fonctionnement et expositions, hors masse salariale). Sachant que Marseille compte douze établissements municipaux, que reste-t-il à chacun ?
Marseille est malade de ses musées. Les conservateurs sont à la peine avec des crédits sans cesse réduits qui ne leur permettent plus de maintenir un programme dynamique. Le rythme des expositions temporaires est devenu des plus aléatoires. Les fermetures de salles sont fréquentes, et le manque d’entretien patent, en divers endroits. Le MAC a en outre totalement perdu la visibilité internationale qui avait accompagné ses débuts, à partir de 1994.
Dans une ère de déclin industriel, où de multiples exemples ont montré que le rayonnement culturel pouvait être un foyer d’attraction – et donc une voie alternative – pour de nombreuses municipalités, se pose également la question du discernement politique. S’employant à sabrer l’élan qui, au tournant des années 1980, avait été donné à la ville grâce à son dynamisme culturel, il semble que les édiles marseillais se soient lourdement trompés de voie.
Certes la culture ne peut pas tout, mais elle est porteuse d’indéniables atouts qu’il est inconséquent de négliger. Surtout, elle mérite plus d’attention et de respect qu’une simple instrumentalisation bassement électoraliste.
MARSEILLE ARTISTES ASSOCIÉS, 1977-2007, jusqu’au 30 mars, Centre de la Vieille Charité, Musée Cantini, Musée d’histoire, MAC, Ateliers d’Artistes, tél. 04 91 14 58 80, horaires divers selon les lieux,www.marseille.fr. Catalogue, éd. Archibooks/Ville de Marseille, 34 euros, ISBN 978-2-915639-81-0
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Abonnez-vous dès 1 €MARSEILLE ARTISTES ASSOCIÉS - Commissaire du projet : Thierry Ollat, directeur du MAC et des Ateliers d’Artistes - Nombre d’expositions : 5 - Lieux : MAC, Centre de la Vieille Charité (Cirva, FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur), Musée Cantini, Musée d’histoire, Ateliers d’Artistes
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Où va Marseille ?