Olivier Poivre d’Arvor dirige depuis 1999 l’Association française d’action artistique, chargée de la promotion de la culture hexagonale à l’étranger. Il avoue en parallèle des ambitions littéraires et politiques.
Sympathique et charmeur, le directeur de l’Association française d’action artistique (AFAA) Olivier Poivre d’Arvor tranche avec le milieu convenu de l’administration. Attaché aux valeurs de son grand-père militant à la SFIO, il annonce d’emblée la couleur : « Je ne crois pas à la notion de naissance, mais à la vertu du travail. » On le sent bobo, d’une gauche plus pragmatique que « Luberon ». Faussement aristocratique, le « d’Arvor » n’est que le pseudonyme d’un grand-père poète à ses heures. Un nom de plume récupéré à la mort de l’aïeul par son frère aîné Patrick. En s’appropriant le pseudo et le phrasé rapide de ce dernier, Olivier Poivre d’Arvor serait-il l’ombre portée du journaliste ? « L’influence était peut-être valable à une époque, mais elle est en train de disparaître. Il a quitté la France pendant dix ans sans qu’on lui parle de moi. Il est revenu avec la légitimité de ne plus être “le frère de” », insiste Patrick Poivre d’Arvor, auquel certains attribuent néanmoins un rôle protecteur sur la destinée de son cadet.
Jusqu’à l’âge de 28 ans, le parcours d’Olivier se construit en puzzle. « Je n’ai jamais pu ne faire qu’une seule chose à la fois », reconnaît-il. Conseiller littéraire chez Albin Michel, il devient l’assistant de l’écrivain Jean-Edern Hallier. En 1985, il évolue vers le théâtre en créant la Compagnie du Lion. « J’aime affronter des situations, être face à des gens et devoir réagir. Je n’aime pas être dans l’ombre. »
Organiser la création
Olivier Poivre d’Arvor avoue tout à trac trois grandes révélations : la sexualité, la philosophie et l’étranger. L’étranger, il l’arpente en 1988 avec un poste de directeur du Centre culturel français d’Alexandrie, une ville rêvée pour ce lecteur de Lawrence Durrell. À son arrivée, il rafraîchit le centre à coups de grands travaux. Ses mandats porteront d’ailleurs toujours son empreinte immobilière et amoureuse. En 1990, il quitte l’Orient sublimé et sa première épouse pour l’Institut français de Prague, fermé depuis 1951. « J’ai essayé d’y recréer l’ambiance des années 1920, de ramener Prague en Europe. » On le retrouve ensuite à Londres où il cumule les fonctions de conseiller culturel et de directeur de l’Institut de France.
Son grand chelem diplomatique se boucle en 1999 avec la direction de l’AFAA, après le long mandat de Jean Digne. « Je connaissais à peine Olivier. Il avait eu un parcours éclectique, il était inséré sans être happé par une coterie et connaissait la mécanique culturelle. On m’avait aussi vanté son astuce », rappelle l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine. Bras plus ou moins armé du ministère précité, l’AFAA est une vieille maison qu’il fallait ravaler d’urgence. « Pour moi, l’AFAA n’est pas un fromage ou une position, souligne Olivier Poivre d’Arvor. La création est une chose sérieuse qu’il faut organiser. On ne travaille pas sur le cœur mais avec des critères, des commissions. Ma grande révolution, c’est de ne pas taper dans le dos d’un artiste en lui disant : je t’emmène à Bangkok ! » Sous sa férule, l’AFAA se resserre sur quelques capitales stratégiques.
En cessant de saupoudrer urbi et orbi, la maison attire-t-elle toujours autant les artistes ? « Les artistes apprécient Olivier pour son talent oratoire. Il est imaginatif et anime bien les débats. Les créateurs le voient à la frontière du politique et de l’artistique. Jean Digne était très affectueux, dans un rapport presque d’artiste à artiste. Avec Olivier, les artistes ont le sentiment de parler avec quelqu’un qui a une responsabilité politico-administrative », estime Bernard Faivre d’Arcier, ancien directeur du Festival d’Avignon. L’AFAA a été cueillie à froid en 2001 par le rapport du sociologue Alain Quemin sur le lent effacement des artistes français de la scène internationale. Malgré ses faiblesses et la manipulation dont il a pu faire l’objet, le document pointait du doigt certaines réalités. Les outils de la diplomatie française restent inadaptés, le système trop morcelé. « Notre ambition d’échange culturel ne porte pas de nom », convient Olivier Poivre d’Arvor. La promesse chiraquienne d’une grande agence culturelle est d’ailleurs dans les limbes...
Un fond de romanesque
Profitant de la fusion avec l’association Afrique en créations, le directeur de l’AFAA prend à cœur la défense du continent noir. « Sa vision de l’Afrique est complexe et non paternaliste. Il travaille avec des gens, et pas avec des modèles plaqués stupidement », souligne Simon Njami, directeur artistique des Rencontres photographiques de Bamako, au Mali.
On sent chez cet affectif un fond de romanesque. Sa pratique du travail repose toutefois sur l’efficacité et la communication, le fameux savoir-faire et faire savoir anglo-saxon. « Rien ne m’agace plus que des commentaires à chaud », affirme-t-il. Sa parole détonne pourtant tel un Scud. Travailleur au sommeil léger, un brin directif, il délègue difficilement. « Il a une énorme énergie positive de faire et le défaut de cela, l’angoisse de mal faire », observe son éditeur, Carl van Eiszner. « Olivier a une idée à la minute et la capacité de construire des schémas brillants très rapidement. Une fois que l’idée est là, il veut que le projet suive très vite. Il a horreur qu’on lui dise non tout de suite. Pour faire passer les choses, il faut un argumentaire assez long ou l’effet tenaille, s’y prendre à plusieurs », s’amuse Dimity Ovtchinnikoff, secrétaire général de l’AFAA. Sa faiblesse, c’est aussi de ne pas savoir dire non, une tâche difficile réservée à son entourage.
En 2002, Olivier Poivre d’Arvor avait participé au bal masqué des prétendants à la direction du Festival d’Avignon. Sans entériner sa candidature, il avait fait un petit tour de piste. « C’est un poste où il y a surtout des coups à prendre. Il aurait peut-être été moins heureux qu’à l’AFAA car il aurait restreint son champ d’action. C’est d’ailleurs une problématique des directeurs de cet organisme, car on ne sait pas quoi faire après », note un de ses amis. Faute d’Avignon, mangeons des merles ! Olivier Poivre d’Arvor vient de créer son propre festival à Toulouse, le « Marathon des Mots dits », quatre jours non-stop de textes lus, un événement organisé du 26 au 29 mai 2005, sur un modèle proche de la Folle journée de Nantes. Maniant avec aisance le verbe et la plume, Olivier Poivre d’Arvor est un amoureux des mots. Depuis plus de vingt ans, il n’a cessé d’écrire, seul ou à quatre mains avec son frère. Après Courriers de nuit et Coureurs des mers, la fratrie s’est attelée à Pirates et corsaires, à paraître en octobre. Olivier dirige aussi en solo la collection « Destins » chez Mengès. « Fondamentalement, l’écriture est ma passion, mais mon œuvre est devant moi ! » Le littéraire n’en garde pas moins l’ambition chevillée au corps. « Je suis clairement ambitieux, je m’arrange pour progresser, faire des sauts. Je n’aime pas le pouvoir mais les responsabilités », confie-t-il. Reconduit à son poste à l’AFAA, il avoue lorgner du côté de la politique. « Il dit peut-être cela par esthétisme, un peu comme les politiques qui disent : un jour j’écrirai… », s’étonne Hubert Védrine. Il n’a sans doute pas l’encolure nécessaire pour pêcher des voix en enfer. Le ministère de la Culture alors ? « Il se casserait le nez car, sous ses aspects de taureau trapu, c’est un cœur tendre, remarque un proche. Ou alors il faudrait que le ministère soit révolutionné, que ça devienne le ministère du houla-hop ! » On le verrait plutôt en conseiller comme le fut Laure Adler à l’Élysée. Leurs parcours respectifs présentent d’ailleurs plus d’une similitude.
1958 Naissance à Reims. 1982 Conseiller littéraire. 1988 Directeur du Centre culturel français d’Alexandrie. 1990 Directeur de l’Institut français de Prague. 1994 Conseiller culturel auprès de l’ambassade de France au Royaume-Uni. 1999 Direction de l’AFAA. 2004 Reconduction de son mandat ; publication le 28 octobre avec son frère Patrick de Pirates et Corsaires, éditions Mengès.
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Olivier Poivre d’Arvor, directeur de l’AFAA
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°198 du 10 septembre 2004, avec le titre suivant : Olivier Poivre d’Arvor, directeur de l’AFAA