LONDRES - Cette prophétie concerne-t-elle le monde de demain ou seulement l’avenir proche de la sculpture ? Dans les deux cas le pronostic de « The shape of things to come » [« La forme des choses à venir », d’après un texte de H. G. Wells, 1933], présentée à la Saatchi Gallery à Londres, n’est pas réjouissant.
Les vingt artistes réunis dans le musée de l’un des galeristes les plus influents du marché annoncent les nouvelles tendances de la ronde-bosse dans un « retour » à la monumentalité ; à la célébration du faire – qui laisse l’empreinte de la main dans l’argile et du geste expressionniste dans la coulure d’époxy – ; à la référence mythologique à travers colosses et golems ; à l’usage franc de la citation. Ce renouveau présente d’emblée un arrière-goût de postmodernisme historiciste. Il semble proposer un futur qui regarde derrière lui, en s’embourbant dans une allitération de « post ».
La reprise et le mixage d’anciennes formules convainc cependant dans les œuvres d’Anselm Reyle et de David Batchelor, qui rejouent la composition au néon ou la sculpture multimédia des années 1960 réalisée à l’aide d’« objets trouvés ». Brick Lane Remix I (2003), de Batchelor, est un polyptyque d’étagères où s’empilent des boîtes lumineuses colorées, matériel low-tech rapporté des rues de Londres : du Nam June Paik à l’heure des encombrants. Björn Dahlem présente quant à lui une sculpture monumentale en néons de cuisine fixés sur des baguettes en sapin. La poésie de Milky Way (2007) se situe justement dans le caractère système D de cette représentation de vieux fantasmes galactiques. C’est aussi ce minimalisme ready-made et teinté de romantisme qui pourrait qualifier les mégalithes de Kris Martin disposés à l’entrée de l’exposition (Summit, 2009). Le geste de l’artiste se limite à placer au sommet de ces monstres de pierre une minuscule croix en papier. Dès lors, le caillou devient support d’une fiction tandis que l’émotion alpine suscitée par cette vision se heurte brutalement à ce tout petit signe qui renvoie à l’histoire occidentale : tous les territoires sont déjà conquis.
Saltimbanques clochardisés
Cette métaphysique épurée contraste avec la débauche collective de zombies en plâtre aux couleurs pastel que met en scène David Altmejd dès la deuxième salle. Plus loin, Folkert de Jong donne la réplique à cette apocalypse au parfum de guimauve avec ses « saltimbanques » de Picasso clochardisés sur des troncs d’arbre multicolores. Ailleurs, cette vision néo-punk manque encore d’inventivité pour exprimer un climat de violence, à l’image des voitures pliées de Dirk Skreber (Crash, 2009). Partout plane le spectre d’un mysticisme noir, le pressentiment d’une religiosité dangereuse, ainsi de la messe qui pourrait être célébrée sur l’autel gigantesque et dégoulinant de cire de Sterling Ruby (Recondite, 2007).
Nombre d’artistes : 20
Nombre de salles : 14
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No future
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 16 octobre, Saatchi Gallery, Duke of York’s HQ, King’s road, Londres, tél. 44 20 78 23 23 63, www.saatchi-gallery.co.uk, tlj 10h-18h, entrée libre. Catalogue, 11,20 euros, ISBN 978-0-9538587-9-8.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : No future