Scruter un miroir est, depuis Narcisse, une expérience périlleuse. Que dire alors lorsque ladite psyché est multiple.
Tel est l’exercice auquel nous convie le designer et architecte Nestor Perkal avec ce nouveau miroir mural baptisé Perfect Day et imaginé pour Oscarmaschera, jeune entreprise italienne spécialisée dans le cuir et fondée en 2005 par le duo Oscar Maschera et Claudia Serafini.
Né à Buenos Aires en 1951 et installé en France depuis près d’une trentaine d’années, Perkal a évidemment dépassé le stade du miroir. Encore que cette thématique soit, chez lui, plutôt récurrente. Elle a vu le jour, en effet, au beau milieu des années 1970, alors qu’il était étudiant en architecture à l’université de Buenos Aires (Argentine) et qu’il développait des projets à partir de miroirs « dans lesquels on pouvait se voir mais de manière fragmentée, dans lesquels on pouvait toujours organiser une vision de soi-même ». Si la recherche, à l’époque, est restée en l’état, cette obsession du reflet a refait surface vingt ans plus tard, lors d’un travail réalisé à l’invitation du Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva), à Marseille, entre 1994 et 1997. Avec les maîtres verriers de l’institution, Perkal expérimente l’art de réfléchir sous toutes ses formes : « portraits » en ronde bosse, pièces globulaires réfléchissantes, miroirs dits « de sorcière » donc déformants… Même les chutes et les délaissés du soufflage intègrent la réflexion. Ses recherches menées alors ont sans aucun doute contribué à renforcer un imaginaire dans lequel il a puisé pour concevoir ce projet développé pour la firme Oscarmaschera et qui débouche aujourd’hui sur un produit fini.
Le miroir mural Perfect Day est composé de sept pièces distinctes (1). Celles-ci s’apparentent à une collection de miroirs face-à-main de formats différents, sauf qu’ils sont fixés au mur la tête en bas, formant ensemble une composition aléatoire. Chaque silhouette pourrait évoquer, en filigrane, sans s’appesantir, une époque particulière de l’Histoire. L’observateur peut s’y mirer à l’envi, mais c’est hors du reflet qu’il découvrira l’élégant travail réalisé à partir de ce matériau naturel qu’est le cuir. Étrangement, ce dernier est à la fois robuste et… doux au toucher et à l’œil. Pour le tannage, l’utilisation de produits chimiques nuisibles a été proscrite. Aussi le cuir est-il manipulé exclusivement avec des extraits végétaux, puis « graissé » en fût tel un bon vin. D’ailleurs, selon la firme transalpine, « il mature avec le temps comme le bois et le vin, comme le Brandy et le fromage ». À y regarder de plus près, on distingue les coupes franches dans la matière et un dessin de coutures mesuré. Bref, un ouvrage précis et tout en sobriété. À chacun ensuite d’assumer l’effet de son propre reflet. On ne saurait répéter ces (bons) mots de Jean Cocteau, tirés de son premier film Le Sang d’un poète (1930) : « Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu plus avant de renvoyer les images. » Un compatriote de Nestor Perkal, l’écrivain Jorge Luis Borges, était lui autrement plus acide. Dans Fictions (éd. Gallimard, 1951), il n’y allait pas par quatre chemins : « Les miroirs et la copulation sont abominables parce qu’ils multiplient le nombre des Hommes. » Fermez le ban !
(1) Les sept pièces de Perfect Day se présentent ainsi : miroir 1 (largeur 16 cm x hauteur 27 cm), miroir 2 (l. 16 x H. 39 cm), miroir 3 (l. 19,5 x H. 39 cm), miroir 4 (l. 18 x H. 54,5 cm), miroir 5 (l. 21 x H. 53 cm), miroir 6 (l. 15 x H. 35 cm), miroir 7 (l. 19 x H. 24 cm). La composition est disponible, en couleur unie ou en quatre couleurs différentes – bleu, ocre, orme ou lie de vin –, et en trois versions : trois pièces (383 euros), quatre pièces (453 euros) et sept pièces, l’ensemble au complet (836 euros).
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Nestor Perkal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°303 du 16 mai 2009, avec le titre suivant : Nestor Perkal