Meuble de chevet - Salvador Dalí est un être inspiré, on le savait, mais aussi inspirant. On se souvient de sa fameuse toile intitulée Le Visage de Mae West, peinte en 1934.
L’homme, fasciné par l’actrice américaine et sex-symbol des années 1920 et 1930, avait notamment focalisé sur les lèvres de la diva hollywoodienne, lesquelles s’étaient retrouvées matérialisées en volume sous la forme d’un canapé de bois et de satin, baptisé Mae West Lips Sofa. Grand mécène des surréalistes, le poète britannique Edward James avait d’ailleurs à l’époque commissionné la pièce à Dalí et installé un exemplaire dans son étonnante demeure anglaise. Les visiteurs du Musée Dalí à Figueres, en Espagne, peuvent aujourd’hui voir ledit objet dans la salle « Mae West », installation sculpturale fondée sur la peinture originale (Le Visage de Mae West), laquelle devient, de fait, un amusant appartement surréaliste. En 1971, en Italie, les architectes du collectif Studio 65, eux, dessineront en hommage à cette assise-bouche « daliesque » un fameux canapé rouge on ne peut plus pop et en forme de lèvres géantes, intitulé Bocca (« bouche » en italien) et édité par la firme transalpine Gufram. Retour en Espagne où l’architecte et designer catalan Oscar Tusquets, 74 ans, vient lui, pour la société BD Barcelona et avec l’aval de la Fondation Gala-Salvador Dalí, de concevoir un meuble insolite directement inspiré d’une autre toile du maître datant cette fois de 1942 et au titre éloquent : Dessin pour la décoration intérieure de la bibliothèque-étable. L’œuvre représente une jeune fille souriante allongée entre des moutons et une poule dans une étable au sol couvert de paille et métamorphosée en une sorte de surprenant « boudoir » mi-chic mi-fermier. Dans le style caractéristique et surréaliste de Dalí, l’un des agneaux a été transformé en petit meuble de chevet. Sur son dos est posé un téléphone tout en laine bouclée et sur son flanc s’ouvre à moitié un tiroir secret.
Avec l’aide experte de la maison Deyrolle, fameux taxidermiste parisien qui, d’ailleurs, réalisa jadis de nombreuses pièces pour… Salvador Dalí, dont des ours, des lions, des cygnes et autres homards, Oscar Tusquets a donc mis au point une collection de pièces comprenant vingt moutons blancs (36 000 euros pièce) et un seul – évidemment ! – mouton noir (72 000 euros), tous dotés de sabots en bronze. La « moutonnière créature », comme disait La Fontaine dans l’une de ses célèbres fables, a même été baptisée. Son nom : Xai (« agneau » en catalan).
À SAVOIR
Fondée en 1972 et connue pour son originalité, la firme espagnole BD Barcelona (bdbarcelona.com) a, dans les années 1980, édité du mobilier du célèbre architecte catalan Antoni Gaudí et, dans les années 1990, une collection de meubles et de lampes dessinés par… Salvador Dalí
À VOIR
Né en 1941 à Barcelone, Oscar Tusquets Blanca dit Oscar Tusquets est notamment l’auteur du Pavillon Tusquets construit à la fin des années 1980 dans le parc de la Villette, à Paris, et aujourd’hui « complètement défiguré » selon son auteur. On peut voir son travail sur www.tusquets.com
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Mouton à tiroir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°679 du 1 mai 2015, avec le titre suivant : Mouton à tiroir