À Toulouse, Anthony McCall redessine magnifiquement l’espace des Abattoirs.
TOULOUSE - Il n’a jamais été question chez Anthony McCall, que ce soit dans les années 1970 ou au cours de la dernière décennie, de perte de repères ou de bouleversements sensoriels. S’ils s’amusent avec le spectateur, ses Solid Light Films (Films de lumière solide), quoique plongés dans un noir absolu, le font en découpant l’espace grâce aux faisceaux de lumière qui les projettent ; ils s’animent de l’intrusion des visiteurs tout en faisant de chaque œuvre un savant mélange de film, sculpture et dessin. Mais dans l’exposition que lui consacrent à Toulouse Les Abattoirs, occupant les deux niveaux inférieurs du musée, l’artiste britannique parvient à perturber la perception des lieux.
L’accès ne s’y effectue pas par le chemin traditionnel, mais en empruntant un escalier de secours situé à l’extérieur et qui implique une longue descente dans des lieux inconnus. Pénétrant dans l’espace, le visiteur découvre trois projections verticales magnifiquement servies par la très grande hauteur sous plafond. Comme à l’accoutumée, McCall gère à merveille volumes et proportions avec ces pièces issues de séries diverses, dont les subtiles ondulations au sol semblent porteuses d’une autre temporalité ; elles s’ingénient en effet à repenser les limites et le territoire du cinéma, adoptant des tracés très différents afin d’éviter les confusions.
Partiellement occultés, les escaliers menant au niveau supérieur révèlent au gré de l’ascension des projections horizontales dans les deux salles latérales. L’une d’elle réserve une belle surprise avec un diptyque encadrant la porte, un film dont la forme semble d’un côté incomplète tandis que l’autre donne à voir le « manque ». Toutes deux évoluent de concert, en une parfaite complémentarité entre leurs contractions et dilatations. Surtout, Leaving (with two-minutes silence) (2009) introduit, chose rare chez McCall, le son dans son cinéma. Car depuis qu’il est passé au numérique au début des années 2000 et que les projecteurs actuels se sont faits plus discrets, le bruit du 16 mm qui contribuait à donner à ses films un autre souffle vital a disparu. Or c’est bien de vie qu’il est ici question, avec une bande-son enregistrée dans la rue. « L’idée était de partager le présent avec le public, car le son aurait très bien pu venir d’ici, de l’extérieur », confie l’artiste qui invite là à une possible fiction délivrée par les murs, lesquels seraient devenus subitement perméables. Mais lorsque la projection parvient à son terme et s’arrête pendant deux minutes, un silence équivalent envahit la salle ; c’est alors finalement que le film devient le plus bruyant, en raison des sons émis par le public ! Jouant avec brio des impressions et de l’imagination, Anthony McCall se fait là à la fois maître du réel… et des illusions.
Commissaire : Olivier Michelon, directeur des Abattoirs
Nombre d’œuvres : 6
jusqu’au 5 mai, Les Abattoirs, musée d’art moderne et contemporain, 76, allées Charles-de-Fitte, 31300 Toulouse, tél. 05 62 48 58 00, www.lesabattoirs.org, tlj sauf lundi-mardi 10h-18h, samedi et dimanche 11h-19h.
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Mélodie en sous-sol
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°387 du 15 mars 2013, avec le titre suivant : Mélodie en sous-sol