Il y a une bonne vingtaine d’années, le vignoble français — et plus spécifiquement le Bordelais — ajoutait à sa réalité économique et à son statut d’art de vivre une dimension touristique.
C’est à cette époque que les chais s’ouvrent au public, appelé à visiter ces lieux où vont séjourner les barriques, reposer les bouteilles, à l’abri de l’humidité, dans la pénombre et la fraîcheur. Certes, il y a le chai du Cos d’Estournel, l’un des crus magiques de Saint-Estèphe : démesuré, une folie dans le goût chinois, avec un portail majestueux, des toitures délirantes, des clochetons dorés, le tout orné, décoré, rutilant. Mais dans l’ensemble, les chais sont des lieux utilitaires, peu amènes, à la fréquentation inadaptée à des flots de touristes.
Un temple « disneyen-pharaonique »
Survient 1988 avec, à Château Lafite, un chai octogonal, semi-enterré, un amphithéâtre ponctué d’une forêt de colonnes cylindriques, signé Ricardo Bofill. Dramatisation extrême et succès assuré. À ce coup d’envoi répond la même année un coup d’éclat : le chai de Pichon-Longueville, revu par Jean de Gastines et Patrick Dillon, sorte de temple « disneyen-pharaonique » scandé de frises sculptées, de volutes, d’une obélisque. Au fil des ans suivra le chai néoclassique de Château Branaire réalisé par Marcel et Bernard Mazières ; celui de Château d’Arsac pour lequel Patrick Hernandez livre une petite merveille où domine le bleu de la « bouillie bordelaise » ; celui conçu par Sylvain Dubuisson dans un registre à la modernité subtile ; celui, imposant, au béton ouvragé et signé Alain Triaud à Ducru-Beaucaillou. Puis vint Faugères, situé à une encablure de Saint-Émilion. Héritant de Château Faugères au tournant des années 1980, Corinne et Péby Guisez décident de relever le niveau du vin et se font édifier une « bastide » néoclassique par Michel de Broin, un architecte venu du cinéma. Jean de Gastines concevra par la suite un chai, ensemble très simple mais flanqué d’une colonnade aux chapiteaux ouvragés. En 2005, l’homme d’affaires Silvio Denz, par ailleurs collectionneur de grands vins et plus important collectionneur de René Lalique, rachète Faugères. Il décide d’attribuer le premier chai aux seules Côtes de Castillon et confie à son compatriote Mario Botta l’édification d’un second, réservé, celui-là, aux saint-émilion. Résultat, ancré au milieu des vignes qu’il domine du haut d’un moutonnement, un ensemble post-moderniste bien dans la manière de l’architecte suisse : deux ailes symétriques et un corps central érigé en belvédère surmonté d’un dais en charpente métallique et à la peau en polycarbonate de forme lenticulaire. Une grande porte centrale aux panneaux d’inox bouchonné ouvre sur une double file de piliers ronds. Les flancs de l’ensemble, ponctués d’oculi en pavé de verre, s’animent, la nuit venue, d’un discret éclairage. Quant au long toit-terrasse, il est aménagé en terrasse dallée et végétalisée.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Mario Botta à Saint-Émilion
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°310 du 2 octobre 2009, avec le titre suivant : Mario Botta à Saint-Émilion