Au mitan des années 1950, Paris explose/implose dans ses étroites limites. La modernité et le développement guettent la capitale. Il s’agit, dès lors, de la doter du quartier d’affaires qui lui manque. Ce sera à l’ouest, à cheval sur Courbevoie et Puteaux, dans l’axe de l’Arc de triomphe et du pont de Neuilly.
En 1958, donc, naît la Défense. La même année, on inaugure au même endroit le CNIT, mis en chantier deux ans plus tôt, une merveille de voile en béton signé des architectes Camelot, de Mailly et Zehrfuss. D’emblée, le CNIT donnera une structure et une réalité à la Défense balbutiante. Commencent à s’élever les tours qu’on ne compte plus aujourd’hui avec, en 1966, une autre merveille, la tour Nobel (débaptisée depuis en tour Initiale), signée de Mailly et Depusse et dotée d’un étonnant et élégant mur-rideau de Jean Prouvé.
Transparence
À cette première génération en succèdent d’autres, avec leur lot d’avantages et d’inconvénients. En 1995 s’engage la campagne dite de « cinquième génération ». Soit la rénovation des premières générations, le désamiantage, la mise aux normes en termes de sécurité, surfaces, circulations et climatisation et, surtout, le basculement dans la « société de communication » (technologie, multimédia…). Une quinzaine d’immeubles sont touchés par des rénovations parfois lourdes, parfois légères. Parmi eux, la tour PB 12, devenue Opus 12, a subi, elle, une rénovation exceptionnelle et hors norme. Imaginez cette tour de 27 étages, opaque et comme repliée sur elle-même, dont on ôterait la peau, un peu à la manière dont on pèle une orange. Opération spectaculaire puisque autour de la structure existante s’est élevée une deuxième peau, une nouvelle façade, distante de la première de 3,50 mètres sur un côté et de 70 centimètres sur les trois autres. La première façade, désormais inutile, a été démantelée, laissant place au seul squelette. Ce jeu de construction a en outre permis d’augmenter de 200 m2 la surface de chaque plateau. À l’opacité première succède la transparence. Une dialectique inversée, qui démasque au lieu de masquer, grâce à un verre réfléchissant aux effets de translucidité et de vibration évoquant la peau intérieure d’un coquillage.
Sur les arrières de la tour, un mystérieux et précieux effet d’emboîtement donne à lire la double histoire de la tour qui, quoique rhabillée et rendue panoramique, évoque précisément la mémoire du bâtiment préexistant. Pour aménager le grand hall d’accueil, Valode et Pistre ont fait appel à l’architecte d’intérieur Christian Germanaz. Lequel en tend le sol d’un granit noir poli comme un miroir et dans lequel se reflète le noyau central qui en émerge comme un iceberg. Un iceberg habillé d’un marbre blanc identique à celui qu’utilisait Michel-Ange et qui accentue l’irréalité de l’ensemble.
En bordure de la grande esplanade Charles-de-Gaulle, cette tour qu’on a pourtant expansée s’est curieusement et considérablement allégée, s’élançant vers le ciel, animant la Défense d’une musicalité très particulière et se transmuant, de nuit, en un gigantesque luminaire urbain. Presque immatérielle, Opus 12 alterne avec brio légèreté et densité, selon l’heure, le jour et la saison, offrant ainsi des lectures multiples, des évocations plurielles.
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Lumières sur la ville
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Lumières sur la ville