Le Musée Fabre a puisé dans la collection de la femme du peintre pour construire plusieurs parcours qui sont autant de grilles de lecture d’une œuvre très repérable.
MONTPELLIER L’œuvre de Claude Viallat se déploie dans les espaces du Musée Fabre que le peintre nîmois connaît intimement. Il en arpentait les collections dans les années 1950, lorsqu’il était étudiant aux Beaux-arts de Montpellier avec sa future épouse, Henriette.
L’artiste ne s’était pas vu proposer une exposition d’une telle ampleur depuis sa première rétrospective au Centre Georges Pompidou en 1982. Pour cette vaste présentation au Musée Fabre, un grand nombre de pièces, des peintures, des objets, des dessins, des œuvres figuratives de jeunesse jusqu’à de très récentes toiles (dont l’une a été réalisée quelques jours seulement avant l’inauguration) ont été sélectionnées. La majorité des œuvres, quand elles ne sont pas sorties des collections de musées ou de galeries, proviennent de la conséquente et confidentielle « collection Henriette » qui en rassemble les plus remarquables. Elles sont exposées aujourd’hui de manière inédite ; « Henriette, c’est un œil », assure l’artiste. Loin d’être exhaustive, cette rétrospective est un parcours parmi d’autres possibles, mais elle éclaire avec justesse les questionnements plastiques et théoriques sans cesse relancés par le cheminement artistique de Claude Viallat qui se développe en spirale selon les modalités de la constance et de la variation. L’exposition aborde d’abord l’œuvre de manière chronologique avec des peintures figuratives, c’est « Viallat avant Viallat », avant l’apparition de « la » forme, entre l’osselet et le haricot. Cette fameuse forme recueillie, simple motif et substitut de l’empreinte de l’artiste, deviendra un espace d’exploration illimité à partir de 1966.
Différents parcours
L’exposition éclaire avec pédagogie la venue de cette forme, à la fois quelconque et singulière, et de la mise en place du système formaliste qui vient nourrir les problématiques esthétiques de la dernière avant-garde française, le groupe Supports-Surfaces. Ensuite, les interventions sur toile, libérée de son châssis, dialoguent avec des recherches sur matériaux modestes : cordes, filets, bois, galets. Puis, dans des espaces largement ouverts, l’exposition prend une autre dimension. D’abord un accrochage « de musée » rend compte de la splendeur de toiles prêtées par les institutions. Claude Viallat a ensuite librement investi les lieux. Outre des objets et des recherches sur la tauromachie, des toiles marquées du motif répété et de sa contre-forme sont accumulées sur les murs, apposées au sol voire suspendues. Cet accrochage non chronologique, chargé et un peu bricolé, voulu par l’artiste, se donne à lire comme une installation et fait écho à son atelier. Si les espaces semblent saturés, la disposition des pièces est orchestrée afin qu’elles se télescopent et que le spectateur en circulant fasse l’expérience de « perspectives et de points de vue ». L’exposition devient alors un immense « raboutage », ainsi que Viallat qualifie ses peintures sur toiles constituées d’un assemblage de différentes pièces de tissu à partir des années 1980. Ce vaste accrochage est un répertoire des modalités de présentation de l’œuvre de Viallat, en regard des inventaires ouverts des supports, des formats et des combinaisons chromatiques explorés. À la fin du parcours, point d’orgue d’une plongée dans les matériaux et les couleurs, des toiles monumentales enveloppent le spectateur. L’artiste est un grand coloriste. L’exposition se poursuit dans le cabinet des arts décoratifs adjacent au musée. Claude Viallat s’est amusé à disposer in situ ses toiles souples dans les intérieurs clinquants Napoléon III de l’hôtel Sabatier d’Espeyran. Ce parasitage impertinent, à la fois accordé et décalé, interroge le décoratif à l’œuvre dans son travail. « Je ne fais pas de la décoration, mais que mes toiles, de même que mes objets, soient décoratifs, c’est une évidence ; ça devient impertinent et ça me plaît beaucoup ».
Deux cents œuvres. Trop ? Sans doute. Et pourtant au sortir de cette immersion dans l’œuvre de Viallat, vient l’envie d’en voir davantage et de voir tout ce que peut la peinture, au-delà de la théorie, dans un dépli infini. Chaque œuvre n’est qu’un fragment d’une même toile ouvragée depuis plus de cinquante ans et cette rétrospective est un moyen pour l’artiste, insatiable, de faire évoluer la peinture et de « relancer le travail ». « On a toujours dit que mon travail, c’était toujours la même chose ; alors je me suis fait le plaisir de montrer que mon travail c’est toujours la même chose, pour donner raison à ceux qui ont tort ».
Commisaires d’exposition : Michel Hilaire et Marie Lozon de Cantelmi
Nombre d’œuvres : 200
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L’estampille de Claude Viallat
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 2 novembre, 13 rue Montpelliéret, 34000 Montpellier, tél. 00 33 (0) 4 67 14 83 00, mardi-mecredi 10h-18h.
Légende Photo :
Claude Viallat, Sans titre, 1989, diptyque, peinture sur bâches, 410 x 650 cm, collection MAMAC, Nice. © Photo : Muriel Anssens.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°418 du 5 septembre 2014, avec le titre suivant : L’estampille de Claude Viallat