Anri Sala joue avec les sons et réussit à créer une étonnante sensation d’espace amputé, qui manque cependant de cohérence.
VENISE - La proposition d’Anri Sala pour la représentation française à la Biennale de Venise, Ravel Ravel Unravel, concentre des éléments chers à l’artiste, la musique et les mouvements chorégraphiques, engageant une dialectique corporelle dans l’interrogation et la définition de l’espace. Dans le pavillon allemand devenu français pour les 50 ans du traité de l’Élysée, l’artiste marie les contraires avec deux installations vidéos réparties en trois temps dans l’espace. En position centrale Ravel Ravel, où sur deux écrans légèrement décalés deux concertistes jouent le Concerto en ré pour la main gauche de Maurice Ravel, emmêlant – to ravel en anglais – ainsi leurs versions par leur juxtaposition. De part et d’autre, Unravel – en anglais, démêler – est une proposition qui se concentre d’abord sans musique sur le visage d’une DJ laquelle, ensuite, essaie de mixer les deux versions des concertistes.
Un enchevêtrement à réconcilier
Ainsi que le pointe dans le catalogue la commissaire Christine Macel, le projet repose sur une opposition entre division et unité. Mais ce n’est pas la différence des interprétations qui interpelle ici, mais celle du vide qui se produit entre elles, des interstices dans lesquels se déploient des singularités faiblement perceptibles, mais réelles. Surtout lorsque l’image se focalise sur la gestuelle et en particulier sur les mouvements d’attente de la main droite qui doit trouver un positionnement, une manière d’exister dans son inutilité passagère. Alliées à des problématiques relatives à l’intensité et la synchronisation, c’est finalement non pas la ressemblance ou la dissemblance qui sont explorées, mais la question du décalage ; d’autant plus insistante que la distribution des œuvres dans les lieux induit une progression vers un inconnu. C’est sur ce problème de narration que bute l’ensemble. Si elle est heureusement explicite, laissant ainsi des opportunités de construction et de déroulement à chacun, il manque au dispositif un liant permettant d’assurer une cohérence globale et d’en faire un tout, plus solide, moins dilué. Le principal écueil de ce projet est d’avoir trop engagé de forces dans la perfection de la réalisation, tout en délaissant un peu les effets d’enchaînements, qui souvent assurent une cohérence globale aux propositions d’Anri Sala. La progression narrative est ici par trop laissée en suspens, créant une sensation de carence ou d’inachevé.
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Les sons décalés d’Anri Sala
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Les sons décalés d’Anri Sala