Prix

Les quatre nommés du prix Marcel Duchamp

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 10 octobre 2013 - 997 mots

PARIS

Samedi 26 octobre, l'Association pour la diffusion internationale de l'art français (Adiaf) révèlera, à la Fiac, le nom du 13e lauréat du Prix Marcel Duchamp. Présentation des quatre nommés 2013, trois artistes et un collectif d'artistes.

Farah Atassi - Mise au carreau
Née à Bruxelles en 1981. De parents syriens, Farah Atassi est l’une des artistes les plus remarquées de la jeune génération de peintres. Sa peinture tirée au cordeau, hésitant entre abstraction et figuration, présente un espace illusionniste qui est constamment contredit par la présence d’objets, de jouets ou de maquettes qui, par le biais de la grille moderniste, affirment le plan du support. Un dispositif contradictoire, entre perspectives marquées et effets de planéité, qui fait tout l’intérêt de son travail. Les murs en carrelage et les petits carreaux répétés peuvent évoquer une explosion de pixels de l’ère numérique mais, derrière l’image, c’est surtout la peinture comme médium et son histoire, en particulier le modernisme et le constructivisme russe, qui sont inlassablement revisités. Tout dernièrement, ayant le goût de la contradiction et sous l’influence des Nibelungen (1924) de Fritz Lang, qui mêle les influences du Bauhaus et du folklore germanique, Atassi s’amuse à confronter des motifs ornementaux à la doctrine moderniste pure qui les rejette. Il en résulte des toiles très complexes, donnant l’impression de pénétrer des habitats collectifs mondrianesques
Vit et travaille à Paris
Représentée par la Galerie Xippas


Latifa Echakhch - Paysages personnels
Née à El Khnansa en 1974. Composée de feuilles de papier carbone créant un paysage de différents bleus, À chaque stencil une révolution est une œuvre monumentale que Latifa Echakhch a réalisée voilà six ans. C’est pourtant celle-ci que l’artiste a choisi de présenter à Los Angeles pour l’inauguration du Hammer Museum dont elle était l’hôte en février dernier. Sans doute voulait-elle par là souligner tant le rapport que son œuvre entretient à l’écriture que l’importance de son contenu référentiel. Née au Maroc en 1974, arrivée en France trois ans plus tard, Latifa Echakhch, qui partage aujourd’hui son temps entre Paris et la Suisse, développe une œuvre protéiforme à l’image de son parcours personnel. De vieux chapeaux melons emplis de résine et d’encre pour métaphore de la figure du poète, des pierres extraites d’un camp de Marocains ayant combattu aux côtés de Franco, des miroirs en forme de soleil recouverts d’un drap dans la plus pure tradition du deuil, des pierres lithographiques noires dont les titres renvoient à la période misérabiliste des USA, etc. : Latifa Echakhch convoque tout en même temps, l’histoire, la géographie et la culture, pour les instruire au cœur d’un débat social et politique, dans des dispositifs rigoureux qui n’en sont pas pour autant privés de poésie. Le plus souvent vêtue de noir, la voix posée, le geste lent, elle invite volontiers l’autre à investir son œuvre de son propre imaginaire.
Vit et travaille à Paris
Représentée par la Galerie Kamel Mennour


Claire Fontaine - L’art du détournement
Collectif d’artistes créé en 2004. Représentant d’un courant de l’art actuel socioculturellement engagé, Claire Fontaine est un collectif formé par deux artistes vivant à Paris : James Thornhill et Fulvia Carnevale. Après s’être approprié le nom d’une célèbre marque de papeterie française, qui vient aussi de l’urinoir de Duchamp dont le titre était Fontaine, ce groupuscule mouvant – les artistes se voient comme des assistants anonymes – s’est autodéclaré « artiste ready-made » et a commencé à élaborer une version d’art néoconceptuel qui souvent ressemble au travail des autres : Warhol, Carl Andre, etc. En retrait de la question du style, et pourfendant les propriétés intellectuelle et privée, Claire Fontaine questionne le monde et le monde de l’art en particulier. Souvent provocateur, le travail de cette artiste collective brasse tous les médiums imaginables (sculptures, peintures, textes, vidéos, installations). Pour elle, l’art contemporain, au même titre que l’individu, est aliéné par le système marchand et le copyright de la signature. Son projet : ruiner la gigantesque machine idéologique du capitalisme destinée à valider l’art en tant que produit. Se méfiant d’alimenter le marché, ce collectif franc-tireur est adepte de l’école buissonnière et de la « grève humaine ». À la question de John Kelsey « Est-ce que tu as produit de l’art aujourd’hui ? », Claire Fontaine répond tout de go : « Non, I would prefer not to » [Je ne préférerais pas].
Représenté par les Galeries Chantal Crousel & Niklas Svennung et Air de Paris

Raphaël Zarka - Skate et archéologie
Né à montpellier en 1977. Il n’y avait guère à parier des relations de l’art avec le skateboard, et pourtant il s’est trouvé un artiste qui, d’une passion gamin, en a fait le prétexte à une réflexion esthétique singulière. C’est à cet objet culte de toute une génération que Raphaël Zarka, trente-sept ans, doit son entrée dans l’art. S’il lui a notamment consacré deux ouvrages analysant le rapport des skateurs à l’espace urbain, il avoue que, curieusement, le skate lui a permis d’intérioriser sa passion pour certaines œuvres d’art. Il a d’ailleurs mille manières de l’appréhender au regard de l’art contemporain, associant par exemple « la fameuse Verb List de Richard Serra (1967-1968), dans laquelle l’artiste dresse la liste de tous les processus à sa disposition pour la réalisation d’une œuvre […] à la manière qu’ont les skateurs de mettre à l’épreuve de leur skateboard les matériaux constitutifs d’une ville ». Mais il n’y a pas que le skate qui ait constitué Zarka. Il a une seconde passion : l’archéologie. C’est elle qui l’a dirigé vers le monde de l’art, et l’on peut comprendre comment le Land Art ou l’Arte povera l’ont très tôt intéressé. Que toutes ces influences se retrouvent dans ses photos, ses sculptures, ses vidéos peut surprendre, mais Zarka a l’art de la synthèse et son souci est toujours de faire des œuvres qui puissent trouver place « dans un réseau d’histoires et de formes ». C’est son côté « classique », paradoxalement.
Vit et travaille à Paris.
Représenté par la Galerie Michel Rein.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°662 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Les quatre nommés du prix Marcel Duchamp

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