L’œuvre de Jean Degottex se déploie avec
une élégance discrète au Frac Bourgogne.
DIJON - D’emblée, on reconnaît la marque Degottex. À l’entrée, une œuvre (ETC V, 1957) rappelle la période la plus connue de l’artiste. Sur un fond bistre, une étoile filante ou un éclair traverse la toile de haut en bas. Un éclair au ralenti toutefois, car les éclaboussures, l’épaisseur de l’encre qui varie, indiquent qu’il s’agit davantage d’un geste réfléchi, méditatif, que d’une trace fulgurante. En réalité, ce signe est inspiré par le zen, la pensée orientale qui a fasciné le peintre pendant longtemps. Pour autant, si le résultat fait songer à la calligraphie chinoise, c’est une écriture incompréhensible et imprononçable, un langage poétique décliné au singulier. Isolé, ce tableau semble résumer la volonté de Degottex : s’exprimer avec peu ou rien.
L’exposition du Frac [Fonds régional d’art contemporain] dijonnais a fait le choix de donner un aperçu de l’ensemble de l’œuvre d’un artiste qui manipule différents matériaux et modifie sans arrêt les procédés créatifs. La première salle propose une vision contrastée ; entourées par des tableaux blancs, presque monochromes, deux toiles de taille monumentale offrent une palette de tonalités noires d’une richesse époustouflante. Peintes en acrylique sur toile de lin, ces œuvres semblent à la fois vibrer et absorber le spectateur (Ligne-report noir, no III [1977], Toile noire-lignes report 7/7 [1978]).
Architecture monastique
D’autres travaux font découvrir des pans moins connus de la production plastique de l’artiste. La surprise la plus impressionnante vient des tableaux-objets, peu exposés jusque-là. À eux seuls, ils justifient le titre de la manifestation, « La question du tableau » (que l’on doit à Bernard Lamarche-Vadel, auteur d’un texte publié dans le catalogue des expositions de Grenoble et Saint-Étienne, en 1978), car Degottex quitte les deux dimensions sans pour autant négliger la surface. Sous l’appellation générique « Hors », l’artiste produit plusieurs séries qui se situent entre le relief et la sculpture. Ainsi, il alterne le plein et le vide, avec des panneaux lisses, « troués » par un cercle ou un demi-cercle dont la position varie (Rayon 48, 1970). Ailleurs, des toiles disposées au ras du sol, et dont la partie supérieure culmine en arc de cercle, forment comme une procession muette et austère, à l’image d’une architecture monastique (Horspaces, 1969-1970). Ailleurs encore, Horslignes Concave Convexe (1970) est une véritable sculpture. Son titre indique clairement que, en volume ou en peinture, c’est le même type de dialogue plastique que développe l’artiste.
Mais, quelle que soit la technique utilisée par Degottex, il réussit à donner une forme à ce qui paraît irreprésentable : le silence. « Je connais peu d’œuvres, écrit Gide à propos de Vuillard, où la conversation avec l’auteur soit plus directe. […] Cela vient surtout de ce qu’il parle à voix presque basse, comme il sied pour la confidence, et qu’on se penche pour l’écouter. » On ne saurait mieux dire.
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Les formes du silence
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 11 mai, Frac Bourgogne, Les Bains du Nord, 16, rue Quentin, 21000 Dijon, tél 03 80 67 07 82
www.frac-bourgogne.org
mercredi, jeudi et dimanche 14h30-18h, vendredi 14h30-19h, samedi 10h-18h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Les formes du silence