Centre d'art

Reims (51)

Les crayères Pommery

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 14 décembre 2012 - 419 mots

La région de Reims est donc bien comme Jean-Baptiste Dubos l’avait décrite dans ses Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture (1719) : propice au mûrissement des raisins et de l’art.

Passé à la postérité, l’ouvrage de l’abbé de Beauvais expose des vues particulières sur les conditions d’éclosion du génie. On y trouve, pour expliquer l’inexplicable, des com­mentaires soignés sur le climat, défini comme une astrologie sage. La prédiction est simple : « Notre esprit marque l’état présent de l’air avec une exactitude approchante de celle des baromètres et des thermomètres. » Et Dubos d’attribuer aux artistes la qualité des vins « qui ont dans chaque terroir une saveur parti­culière qu’ils conservent toujours ».

On vérifie depuis des lustres ce principe dans les caves du domaine Pommery. Le vaste souterrain de jeu pour l’art répand ses tunnels dans les crayères, carrières creusées en 1868 à trente mètres sous la terre prodigieuse de Champagne. Il n’aura pas seulement fallu que les propriétaires des lieux invitent en 2003 des artistes sur leurs cimaises en pierre gallo-romaine ; les caves étaient acquises aux peintres et aux sculpteurs longtemps avant que les Vranken ne les acquièrent.

À l’abri des regards et du luxe, entre les tables de remuage où patientent 25 millions de flacons bruts, l’air est froid. On descend au cachot – ou au coffre, c’est selon – par des centaines de marches lourdes, quasiment au flambeau. Aux lecteurs d’Alexandre Dumas reviennent les intrigues du cardinal de Richelieu et de sa Milady ; aux autres, peut-être, les films d’espionnage. Car c’est bien là, dans la base secrète digne des méchants de James Bond, que la maison mène sur l’art ses « Expériences ». On peut y voir en ce moment voleter Les Papillons de Bertrand Gadenne ou l’empreinte écrite à même la craie par Daniel Buren en 2007.

Ici, les jeunes mousseux côtoient les millésimes, au premier rang desquels les bas-reliefs monu­mentaux commandés en 1882 à Gustave Navlet par la première dame des lieux, l’éponyme Louise. Aux virils Maraudeurs et Triomphe de Bacchus se joignent les prières d’une Vierge modeste qui pourrait faire passer le bunker pour un ciel. C’est que la terre est haute à Pommery. Parfois, d’ailleurs, on parierait percer les voûtes du regard comme la verrière du Grand Palais. Dans cette nef fossilisée d’où l’on pourrait, à l’instar des légendes que couvent les pyramides, ne jamais ressortir, les modernes et les contemporains ont caché leur Lascaux.

où ?

Domaine Pommery, 5, place du Général Gouraud, Reims (51).

comment ?

Ouvert tous les jours de 10 h à 19 h. Renseignements au 03 26 61 62 56.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°653 du 1 janvier 2013, avec le titre suivant : Les crayères Pommery

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