Avec leur pied surmonté d’un chapeau garni de lamelles, on dirait de gros champignons. Une multitude de bolets surdimensionnés et néanmoins dotés d’une propriété particulière : ils sont lumineux. Rien de radioactif dans tout cela, il s’agit tout simplement de luminaires, dernières créations que le collectif helvète Atelier Oï a dévoilées, en avril dernier, en marge du Salon du meuble de Milan (lire le JdA n° 214, 29 avril 2005). Ces objets – des lampes donc, mais aussi des vases ou des coupes à fruits, en tout une quinzaine de modèles – sont le résultat d’un travail bien singulier, intitulé « Round about the Book » (« À propos du livre »), car le livre en tant que matériau est le point de départ de cette recherche originale.
Le but était, à partir d’une épaisseur dense de feuilles reliées à la manière d’un livre, de créer un objet. Sa dimension est d’ailleurs fonction des formats existants dans l’industrie papetière, tels A4 et A3. Le « livre » est alors découpé selon un profil défini, qui anticipe la destination de l’objet. Le découpage offre ainsi la possibilité d’y inclure un anneau fluorescent à lumière froide dans le cas d’une lampe, un mince soliflore pour faire un vase, enfin une pièce de porcelaine dans le cas d’une coupe à fruits ou d’un vide-poche. Il suffit ensuite d’ouvrir ce « livre » de part en part jusqu’à accoler la « 1re de couverture » sur la « 4e de couverture », pour obtenir cette fameuse forme de « champignon ». Le procédé est, certes, d’une simplicité sans nom, mais l’effet est magique, en particulier pour les lampes. La lumière produite se révèle étrangement douce, filtrée par les dizaines de lamelles. L’effet est garanti. Bref, voici un drôle de « livre de chevet » qui se métamorphose en un clin d’œil en lampe de chevet.
« Dress your body »
S’il n’est pas très connu en France, l’Atelier Oï bénéficie en Suisse, en revanche, d’une solide réputation, notamment depuis l’Exposition nationale suisse en 2002, durant laquelle il avait parsemé la rive du lac de Neuchâtel de dizaines de bambous phosphorescents et de chaises (très) longues en forme de toboggans. Installé à La Neuveville, à mi-chemin entre Bienne et Neuchâtel, l’Atelier Oï tire son curieux patronyme du vocable troïka, car l’entité a été fondée en 1991 par trois designers et architectes : Aurel Aebi et Armand Louis, tous deux âgés de 39 ans, et Patrick Reymond, 43 ans. Ces derniers œuvrent tous azimuts : de la création de luminaires à l’aménagement intérieur du Musée d’archéologie de Neuchâtel, en passant par la toute nouvelle direction artistique de la section meuble que veut lancer le porcelainier allemand Rosenthal. Le trio a aussi réalisé un bel ensemble de mobiliers liturgiques en bois pour l’église de Chaindon et pour l’église Pasquart, à Bienne. Or, au pays du chocolat, il est un monde que l’Atelier Oï ne pouvait ignorer : celui des horlogers. Il y fait d’ailleurs montre de perspicacité : pavillon d’exposition pour Omega, concept de magasin pour Tissot, boutiques et identité visuelle pour Jaquet Droz, présentoirs pour Rado ou Certina, packagings pour Sector, projets de montres pour Paul Smith et Ventura, exposition itinérante pour Breguet, aménagement du musée Baume & Mercier dans les nouveaux bureaux de la marque, aux Brenets (Suisse)… sans oublier la réalisation de stands pour le Salon international de l’horlogerie, à Genève, et pour la Foire mondiale de l’horlogerie et de la bijouterie, à Bâle. Pour le groupe Swatch enfin, l’Atelier Oï réalise un projet d’envergure : la construction, à Cormondrèche, près de Neuchâtel, d’un Centre de compétences en bijouterie, baptisé « DYB » ou « Dress Your Body ». Swatch, on le sait moins, dessine les bijoux de nombre de marques connues, dont Calvin Klein. Ouverture prévue : début 2007.
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Les champignons hallogènes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Les champignons hallogènes