À Luxembourg, trois banques ont fait appel à de grandes signatures de l'architecture, Bôhm, Meier et Arquitectonica, pour construire leur nouveau siège. Une façon élégante d'affirmer une image d'entreprise sur fond de guerre commerciale.
LUXEMBOURG - Luxembourg, place financière, serait-elle en passe de devenir une place d'architecture ? Le secteur bancaire est en effet pris d'une soudaine envie d'affirmer son identité à travers des bâtiments de grande qualité confiés à des architectes de renom dont deux ont déjà reçu le Pritzker Prize, sorte de Nobel de l'architecture. Tout a commencé avec la Deutsche Bank, qui a confié la réalisation de son nouveau siège à Gottfried Bôhm, célèbre architecte d'outre-Rhin, Pritzker Prize 1986. La banque allemande a choisi de s'implanter dans le parc d'activités de Kirchberg situé à proximité des institutions européennes, entre l'aéroport et la ville de Luxembourg. L'architecte a dessiné un carré évidé en son centre pour laisser place à un immense atrium circulaire de 28 mètres de diamètre.
Conçu pour quatre cents personnes, ce siège bancaire de 12 000 m2 est un bloc imposant reconnaissable à ses puissantes structures. Ce premier bâtiment-phare, livré en 1991, a donné semble-t-il des idées à des banques concurrentes. Une autre banque allemande, Hypobank, s'est installée quasiment en face, dans le même secteur périphérique. Cette institution financière basée à Munich a fait appel à l'Américain Richard Meier, sélectionné sur concours, pour construire son siège de Luxembourg, un ensemble de 23 000 m2 qui forme un îlot éclatant de blancheur. L'architecte du siège de Canal Plus a réalisé un bâtiment en "L" posé sur un socle de pierre grise. 11 se compose de deux éléments formels : un volume cylindrique et une barre de bureaux. Ce long parallélépipède s'achève par un atrium ouvert sur la hauteur de quatre étages. Les façades dessinées sur la trame du carré, thème cher à Meier, sont fortement rythmées par des brise-soleil.
Une sculpture de Stella
La banque allemande a investi cent millions de Deutsche Mark, soit environ 340 millions de francs, dans cette opération. L'architecture s'accompagne d'une grande sculpture de Frank Stella - grand complice de Richard Meier - mise en scène à l'entrée de la banque, sur la place formée par les corps de bâtiment. Inspiré par les volutes de la fumée d'un cigare, l'artiste américain a créé une œuvre, Sarreguemines, tout en acier, dont l'aspect franchement informe vient offrir un contraste intéressant avec la pureté graphique de l'architecture de Meier. De son client, l'architecte américain ne connaissait que sa collection d'art et son goût pour l'art contemporain. À l'intérieur, le bâtiment sert également de cimaise à des œuvres de peintres et de photographes (Peter Fischli, David Weiss...). Chaque salle de conférence a été confiée à un artiste différent. Et le personnel a été invité à choisir des œuvres réalisées par des étudiants en art provenant de quinze pays européens. Loin de ces bâtiments excentrés, le siège de la Banque de Luxembourg est le dernier fleuron de la ville.
Contrairement à ses deux concurrentes, elle a choisi de s'implanter en plein cœur de Luxembourg. Ce projet est l'œuvre d'Arquitectonica, célèbre agence américaine, très en vogue à Miami, qui s'était déjà illustrée en 1989 par la réalisation d'une banque étonnante sur les hauteurs de Lima au Pérou. À Luxembourg, le bâtiment d'Arquitectonica est le nouveau repère de la cité financière. Implantée dans le seul virage du boulevard Royal, la banque de Luxembourg est une imbrication de trois volumes matérialisée par trois matériaux différents : verre, pierre blonde de Bourgogne, granit noir du Zimbabwe. Fruit d'une savante composition sur le thème du carré et de l'ellipse, le bâtiment ne peut passer inaperçu. L'élément le plus fort est une petite tour de verre, penchée comme la proue d'un navire, qui vient dynamiser ce collage urbain. Ce petit bâtiment est un iceberg qui s'enfonce sur huit niveaux. Les plus beaux espaces sont en sous-sol, avec "le coin des investisseurs" baigné par la lumière zénithale, la salle des coffres éclairée par des gorges de lumière, et un auditorium de forme elliptique, habillé d'érable, et placé sous le jardin.
Berne, Wilmotte, Wirtz
Sans compter le prix du terrain acheté très cher au cœur de la cité, le nouveau siège de la Banque de Luxembourg a coûté 300 millions de francs ; ce qui, pour 8670 m2, représente un joli budget ! Pour accompagner la forte personnalité de l'architecture, Robert Reckinger, le patron de la banque et collectionneur d'art (Zao Wou-ki, Aki Kuroda, Alechinsky...) a fait appel à de grandes signatures, de la lumière, du design et du paysagisme. George Berne, l'homme qui a éclairé les nouvelles salles du Grand Louvre, a signé la mise enlumière du bâtiment. La nuit, la perception du bâtiment est tout autre, la masse noire disparaît, le bloc de pierre semble en lévitation et le la tour de verre s'offre en transparence. Jean-Michel Wilmotte a conçu le mobilier. Georges Wirtz, paysagiste belge de renommée mondiale, a, lui, dessiné le jardin qui sert d'écrin à ce dernier joyau du Grand-Duché.
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Les banques investissent dans l'architecture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Les banques investissent dans l'architecture