WEIL AM RHEIN - Comptant parmi les designers allemands les plus influents de ces dernières décennies, Dieter Rams, 84 ans, est à l’origine d’une « philosophie du bon design » en dix principes (« le bon design est le moins de design possible »), qui a généré une esthétique tout en rigueur. Son travail pour la firme Braun, dont il dirigea le département Design produit de 1955 à 1997, frise aujourd’hui le statut de légende.
Déployée au sein du Schaudepot, le nouveau musée ouvert en juin dernier sur le site de production du fabricant de mobilier suisse Vitra (lire le JdA no 461), cette modeste et néanmoins captivante exposition intitulée « Dieter Rams, Modular World » réunit à la fois du mobilier et des produits électroniques, et retrace les grandes lignes de son parcours.
Depuis les années 1970, avant que la durabilité ne devienne un concept, le designer critique le consumérisme. « Le bon design est celui qui dure longtemps, estime-t-il toujours aujourd’hui. Il doit éviter de suivre la mode, ainsi ne paraîtra-t-il jamais vieillot, davantage encore de nos jours, dans notre société de l’obsolescence programmée. » Les multiples projets élaborés par Dieter Rams ont pour traits communs la simplicité, l’honnêteté et l’intemporalité.
Pour Braun donc, il crée notamment le célèbre tourne-disque Phonosuper-SK4, plus connu sous le sobriquet de « cercueil de Blanche-Neige ». Le changement est radical : introduction de façades métalliques et de plexiglas pour le couvercle de protection – d’où son surnom –, détails techniques parfaitement visibles, haut-parleurs externes… Un aspect industriel qui révolutionnera durablement l’esthétique des équipements audio traditionnels, jadis encastrés dans de lourds meubles en bois. Rams invente même, en 1959, le premier « baladeur », en l’occurrence, le TP1, micro-tourne-disque portable à piles. Astuce : la lecture du disque se fait par en dessous. Même Jonathan Ive, pape du design chez Apple, ne cache pas que l’esthétique Braun fut, pour lui, une source d’inspiration.
Des lignes épurées
Pour Vitsœ, Dieter Rams crée les étagères 606 : une structure métallique très mince, qui peut s’allonger à l’envi grâce à de judicieuses glissières verticales perforées. Elles sont quasi invisibles. Normal : depuis les années 1950, le designer tente d’user le moins de matière possible. Son credo : apporter plus de lumière et de transparence dans les espaces réduits des logements sociaux de l’après-guerre. Son « fauteuil club » 620 est aussi confortable qu’un Chesterfield, mais sa structure est constituée de fines coques de plastique moulées qui font office de dossier et d’accoudoirs. Lors de ses séjours au Japon, Rams est d’ailleurs fasciné par les solutions domestiques qu’adopte cette population à la forte densité. Sa gamme de meubles de jardins empilable 740 s’articule autour d’un module qui, selon les situations, se fait coussin de sol, tabouret, voire chaise ou table en y ajoutant un dossier ou un plateau.
Dieter Rams a créé des objets que les utilisateurs peuvent modifier en fonction de leurs besoins. Ils arborent une fonctionnalité neutre et une sobriété formelle. Pas la moindre trace de l’expression personnelle du créateur. Chapeau bas !
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Le design a minima
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Abonnez-vous dès 1 €Dieter Rams, Fauteuil 620. © Photo : Ch. Sagel.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : Le design a minima