Ce dernier Noël aura permis de vérifier deux théories. L’une se révèle fausse, l’autre vraie. D’abord, contrairement à ce que l’on croit, l’effet papillon n’est jamais automatique. En clair, un simple battement d’ailes de papillon à l’autre bout du monde ne déclenche pas nécessairement un ouragan de ce côté-ci de la planète. Ensuite, le Père Noël est vraiment… une ordure.
Sôri Yanagi, 96 ans, s’en est allé. L’immense designer japonais, auteur, entre autres, du célèbre Butterfly Stool (« tabouret Papillon »), est mort d’une pneumonie le 25 décembre 2011, dans un hôpital tokyoïte. Un papillon s’est envolé et pas un mot. C’est du moins le sentiment du designer anglais Jasper Morrison qui, dans une tribune intitulée « Goodbye Sôri Yanagi », envoyée notamment à la revue de design italienne Domus, fustige « un certain manque d’attention des médias et institutions européens spécialisés en design » et regrette que « l’Occident lui [ait] refusé la couverture journalistique et la rétrospective qu’il aurait méritées ».
Né à Tokyo, le 29 juin 1915, Sôri Yanagi était le pionnier du design industriel nippon. S’il seconda, en 1940, Charlotte Perriand (1903-1999), venue à l’invitation du ministère du Commerce et de l’Industrie japonais pour « inspirer » les jeunes designers de l’Archipel, l’homme avait déjà assurément de qui tenir. Son père, le philosophe et historien d’art Sôetsu Yanagi (1889-1961), n’est autre que l’inventeur du terme « mingei », contraction de « minshûtekina kôgei », qui signifie : « arts et métiers populaires ». Selon ce dernier, c’est dans les « mingeihin » ou « objets d’art et artisanat populaire » destinés à un usage quotidien que s’expriment « le raffinement et la beauté de l’utile ». À voir aujourd’hui les centaines d’objets – de la plaque d’égout à la fontaine à eau, du siège à la tasse en céramique, de la passoire à la torche olympique des Jeux olympiques de Tokyo de 1964 – conçus en quelque six décennies, on ne doute pas un instant que le fiston ait bien compris la leçon.
Coup de maître
Sôri Yanagi est donc l’auteur du tabouret Papillon, créé en 1954 et toujours édité (1). À tout point de vue, ce siège est un éloge à la simplicité. D’abord par sa forme : ce profil en forme de papillon en vol, qui lui a donné son nom et qui rappelle à la fois la calligraphie japonaise et la silhouette des torii, ces portiques traditionnels habituellement érigés à l’abord des sanctuaires shintoïstes. Ensuite par sa structure, naturellement élémentaire. Elle se compose, en effet, de deux pièces rigoureusement identiques, en contreplaqué moulé, reliées sous l’assise par deux vis. Une tige supplémentaire en laiton sert de traverse et assure la stabilité du tabouret. Un point c’est tout. D’un coup de maître, Yanagi mixe une esthétique foncièrement orientale avec une technologie d’avant-garde, le contreplaqué cintré, mis au point, à l’époque, en Occident. Le tabouret gagna illico la notoriété, après avoir remporté une médaille d’or à la 11e Triennale de Milan, en 1957.
(1) Le Butterfly Stool, édité par Vitra, existe en deux versions : contreplaqué moulé érable naturel (514 €) et contreplaqué moulé palissandre (699 €).
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le « Butterfly Stool »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Le « Butterfly Stool »