Les frères Bouroullec font leur entrée au musée en exposant au Centre Pompidou-Metz les fruits de douze années de travail.
METZ - Les Bouroullec « entrent » au musée, en l’occurrence au Centre Pompidou-Metz. Et le moins que l’on puisse dire est que les deux designers français apprécient peu la salle dans laquelle ils exposent. Il s’agit pourtant de la plus « prestigieuse » des galeries du musée car la plus élevée : 1 200 m2 d’un seul tenant et une vue à couper le souffle sur la cathédrale. Il n’empêche. « C’est un espace très difficile à domestiquer, affirme l’aîné, Ronan. Un vrai aéroport. » « Avec un sol de prison », renchérit le cadet, Erwan. D’ailleurs, même le titre qu’ils ont donné à leur première grande exposition monographique dans une institution nationale, « Bivouac », insiste à dessein sur le fait que ce « campement » ne sera que provisoire. Sans doute, ces « contraintes » spatiales auront, malgré elles, contribué à engendrer une approche foncièrement lisible de leur travail. Là n’est pas la moindre des qualités de cette présentation qui rassemble quelque 150 pièces – objets ou meubles – et près de 300 dessins, soit une douzaine d’années de pratique commune des deux frères designers, Ronan (Quimper, 1971, École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris) et Erwan (Quimper, 1976, École nationale supérieure d’arts de Cergy), associés depuis 1999. « Nous avions envie de faire dialoguer des pièces, mais pas de manière chronologique, ni typologique, ni thématique, explique Erwan Bouroullec. Nous souhaitions créer un espace cohérent, avec une atmosphère. » « Nous voulions montrer de manière claire les différents aspects de notre travail, ajoute Ronan Bouroullec. Tout n’est pas présenté, mais les phases majeures y sont. L’ensemble des pièces fait partie de notre ménagerie d’objets, des “canards boiteux” aux choses plus légères. »
Une agréable proximité
Afin de s’extirper de l’ingrate enveloppe, les deux designers ont usé de dispositifs basiques et néanmoins efficaces. Ils « s’écartent » des murs par le biais d’élégantes étagères de bois sur lesquelles ils ont posé les objets, simplement, sans les isoler derrière des vitrines. Idem au sol où les pièces reposent sur de minces podiums en dalles de céramique – l’un de leurs derniers produits, imaginé pour le fabricant italien Mutina. Résultat : une étonnante et agréable proximité. Le visiteur saisirait presque les pièces dans ses mains. Un geste qu’il peut, en revanche, exercer à l’envi avec une série d’assises mises à sa disposition. S’asseoir à un bureau Joyn Office Systems (Vitra) permet d’en apprécier formes, proportions et matériaux : c’est aussi le cas avec le confortable sofa Ploum (Ligne Roset), qui associe un revêtement stretch à une mousse ultra-souple à mémoire de forme.
Pas de maquette, point de croquis techniques, le processus de conception conserve une part de mystère. « Plutôt que de venir avec de gros sabots dire aux visiteurs “le design, c’est ça !’’, nous préférons les amener à se poser des questions », souligne Erwan Bouroullec. Certains objets mis en regard disent la cohérence de leur pensée au fil des ans et des projets. Ainsi, la structure de la chaise Steelwood (Magis, 2008) n’est pas sans évoquer le système d’emboîtement des Vases combinatoires (1998). Tandis que la lampe en plastique Piani (Flos) décline directement de la collection d’objets en laque traditionnel japonais Wajima (Japan Brand).
Sur une cimaise, on peut admirer la virtuosité graphique du duo à travers une sélection de 273 dessins à main levée, affichés côte à côte tel un carnet de croquis ouvert. Il y a des prémices d’objets ou de meubles, mais aussi des esquisses d’inspiration, abstraites et énigmatiques.
La scénographie, elle, est réglée au cordeau et s’inscrit pleinement dans le paysage messin. Côté centre-ville, une haute paroi de modules en polystyrène Nuages se déploie de part en part dans la largeur, perturbant avec malice la vue sur la cathédrale. À l’autre extrémité de la salle, un fauteuil Striped (Magis) s’oriente vers la monumentale sculpture Flamme de la liberté de Marc Couturier, plantée à quelques encablures, dans le parc de la Seille. L’ambiance est finalement sereine. Pas un bruit. N’était-ce celui d’une machine à coudre échappé d’une vidéo dans laquelle est dévoilé le secret de fabrication d’une lampe habillée de cuir (Lianes, galerie Kreo). Ce sera le seul.
Commissaires de l’exposition : Laurent Le Bon, directeur du Centre Pompidou-Metz ; Hélène Guenin, responsable adjointe du pôle programmation, au Centre Pompidou-Metz
Scénographie : Atelier Ronan et Erwan Bouroullec
Graphisme de la signalétique de l’exposition : Éric et Marie Gaspar (Ericandmarie)
Nombre de pièces : 150 objets et meubles
Jusqu’au 30 juillet 2012, Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l’Homme, 57000 Metz, tél. 03 87 15 39 39 ,tlj sauf mardi 11h-18h, jusqu’à 20 h du jeudi au samedi, à partir de 10h le week-end, www.centrepompidou-metz.fr
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La séduisante ménagerie des frères Bouroullec
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°357 du 18 novembre 2011, avec le titre suivant : La séduisante ménagerie des frères Bouroullec