PARIS - L’image apparaît pour le moins surprenante : en 1675, Hendrick Danckerts immortalise en peinture la remise au roi d’Angleterre du premier ananas cultivé sur ses terres, après importation et acclimatation (King Charles receiving the first pineapple cultivated in England).
D’ananas il est encore question trois siècles plus tard avec un long-métrage d’Amos Gitaï s’intéressant aux monopoles de la production et de la circulation du fruit (Ananas Connexion, 1984). C’est un point de vue singulier et audacieux sur la colonisation et la mondialisation des échanges que propose Bétonsalon, à Paris, avec « Tropicomania : la vie sociale des plantes ». Partenaire de la Triennale « Intense proximité », le centre d’art rejoint les questionnements relatifs à l’autre lointain devenu proche en s’intéressant aux circuits de circulation des plantes exotiques. Très documentaire, ce qui lui confère un abord un peu sec, l’exposition n’en demeure pas moins passionnante. Le visiteur plonge dans une histoire méconnue qui prend sa source dans les archives du Jardin d’agronomie tropicale créé dans le bois de Vincennes en 1899 à des fins d’étude, d’information et de promotion de la végétation tropicale, progressivement devenue un important enjeu économique.
Entre préoccupations actuelles et histoire coloniale, artistes contemporains et documents d’époque – donnant la parole tant au colonisateur qu’au colonisé – dissertent sur cette marchandisation de la nature dont les discours officiels « vendent » à travers le tropisme exotique une image positive et heureuse, « omettant » d’éventer les méfaits qui en sont consécutifs, tant en termes humains qu’agricoles. Maria Thereza Alves, par exemple, s’inquiète dans une série d’aquarelles de ce que l’industrialisation de la production fruitière imposée par l’Occident a remis en cause diversité et savoirs locaux au profit d’un universalisme de façade (Ceci n’est pas un abricot, 2009). Tandis que Otobong Nkanga a imaginé une belle installation autour de la noix de cola ; en s’intéressant à des archives, elle déploie une narration autour du fruit tout en lui donnant la parole avec un système laissant s’écouler du jus sur des feuilles de papier (Contained Measures of a kolanut, 2012).
Au-delà de l’exotisme, insister sur leur « vie sociale » revient à poser les plantes telles des moyens de résistance et des marqueurs identitaires, autour desquels se cristallisent aujourd’hui encore des questions essentielles relatives à des modes de vie globalisés mais toujours déséquilibrés.
- Commissariat : Mélanie Bouteloup et Anna Colin
- Nombre d’artistes : 15
- Nombre d’œuvres et documents : environ 30
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La globalisation par les plantes
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Abonnez-vous dès 1 €TROPICOMANIA : LA VIE SOCIALE DES PLANTES, jusqu’au 21 juillet, Bétonsalon, 9, esplanade Pierre Vidal-Naquet, 75013 Paris, tél. 01 45 84 17 56, www.betonsalon.net, tlj sauf dimanche-lundi 11h-19
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : La globalisation par les plantes