L’institution parisienne propose de prendre son temps et de se plonger dans l’univers d’une douzaine d’artistes français et étrangers.
Paris - Le Plateau offre avec l’exposition en cours un espace qui respire d’un souffle nouveau. Question d’aménagement, certes, mais aussi de présence et de nature des œuvres. Le pas du visiteur se trouve pourtant comme retenu au sol par le dessin de Michel Blazy. Puis les deux miroirs parallèles de Felix Gonzalez-Torres donnent le ton, par le troublant double éclat de soi de celui qui s’y voit en passant : l’ellipse déterminée par l’entre-deux des deux reflets est troublante, inquiétante même, comme un trou noir, donnant ce tempo suspendu qui règle toute l’exposition. Que se passe-t-il quand il ne se passe rien ? quand quelque chose va advenir ? Ici, chaque œuvre concentre la durée de façon variée et sans chercher à impressionner. Les pièces fonctionnent par dissipation, instillantes mais tenaces. La caméra de Bruce Nauman veille sur son bureau pendant son absence. L’artiste belge David Claerbout entrebâille un temps paradoxal dans une projection en noir et blanc qui s’anime au passage du visiteur. Avec son film vidéo, L’Homme au sac (2004), Sebastian Diaz Morales alimente l’attention du visiteur en suivant un personnage qui court dans un paysage lunaire. Même Dominique Gonzalez-Foerster, rarement aussi convaincante, apporte avec son installation Petite (2001) une véritable ambiance chargée d’une « inquiétante étrangeté », selon la formule de Freud.
Lieu précieux
Le parcours continue mais perd cependant de sa densité, malgré la qualité des œuvres. Le tableau peint d’après l’éclat de la disparition d’images télévisuelles d’Anne-Marie Jugnet et Alain Clairet est tout à fait bienvenu, en vis-à-vis de l’image du projecteur de cinéma collée au mur (mais aussi diffusée gratuitement pour les visiteurs), avec ses variantes d’intensité. Les trois pièces de David Hammons, une vidéo, les cruelles poches d’or pour va-nu-pieds et la magnifique stèle prêtée par la Fondation Cartier (cette tête de nègre symbolique, gros galet posé, fragile, dans une boîte de cirage de cireur de souliers et comme portant une coiffure crépue), denses et d’une grande puissance, ne s’imposent que d’elles-mêmes. Le parcours souffre que l’espace se prolonge d’un Project Room (« salle d’étude ») – ou plutôt d’un Working Room (« salle de travail ») – pour artiste en résidence. L’idée est excellente mais elle dote d’un double-fond déstabilisant la partie consacrée à l’exposition. Des réglages restent à effectuerpour l’usage de ce lieu — déjà classique et « à nouveau nouveau » ! — comme pour le lien vers l’extérieur, où pourtant l’exposition trouve un prolongement (les affiches sur panneaux électoraux d’Allora et Calzadilla et de Mofokeng) mais sans vrai effet d’élargissement. Ces réserves n’entameront toutefois pas le souffle d’une exposition forte et fine. Pour sa première exposition au Plateau qu’elle conduit désormais, Caroline Bourgeois a mis sa patte, dont on peut souhaiter retrouver le coup longtemps, qui rappelle combien le Plateau peut être un lieu précieux à la scène contemporaine parisienne.
(espace expérimental), jusqu’au 20 février 2005, Centre d’art contemporain Le Plateau, angle rue des Alouettes et rue Carducci, 75019 Paris, 01 53 19 84 10, www.fracidf-leplateau.com, tlj sauf lundi et mardi 14h-19h, week-end 11h-19h
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La douce accélération du Plateau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°208 du 4 février 2005, avec le titre suivant : La douce accélération du Plateau