La Biennale de Lyon prend ses quartiers d’été au Cap

LE CAP (Afrique du Sud) - On y entre comme dans une intimité à la fois forte et fragile, en traversant dans un espace étriqué au faîte surbaissé la Forêt de Juma (2010) de Julia Cottin. Des colonnes de bois posées sur des cales sont maintenues en place grâce au plafond qu’elles seraient à l’inverse censées soutenir, défiant ainsi tant le symbole architectural que sa supposée puissance, tout en faisant subtilement basculer l’installation physique dans le champ de l’image en jouant de la sorte avec les échelles.

Cette intimité sied formidablement à ce « Rendez-vous » parfaitement nommé, devenu en dix ans d’existence une véritable plate-forme internationale mise au service de la création émergente, élaborée conjointement par le Musée d’art contemporain de Lyon, l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne et l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. Car si le public de la Biennale de Lyon a pris l’habitude, une année sur deux, d’aller visiter cette exposition qui toujours permet de dénicher quelques talents ou de confirmer l’intérêt porté à de récentes découvertes, moins nombreux sont ceux qui savent que l’année suivante la formule s’exporte à l’étranger, généralement avec les mêmes artistes mais pas forcément des œuvres identiques. L’opération permet donc de promouvoir un contingent de créateurs français hors des frontières, pas de tous jeunes diplômés mais des talents en devenir ayant déjà eu une petite expérience dans un environnement professionnel.

Échange et partage
Ces artistes sont surtout confrontés à des plasticiens étrangers choisis sur des critères similaires, grâce à un échange d’informations effectué avec des commissaires d’exposition basés dans d’autres pays. Ces derniers font ainsi connaître « leurs » artistes tout en étant invités à découvrir les Français ; on trouve parmi eux Dan Cameron, David Elliot ou Daria Pyrkina. C’est là que réside le principal intérêt de l’opération, que de procéder à l’élaboration d’un véritable réseau international d’échange d’informations reliant tous les continents et formes d’expression.

Profitant de la tenue de la Saison française en Afrique du Sud, c’est à la Iziko South African National Gallery, au Cap, que « Rendez-vous » a cette année pris ancrage avec vingt artistes – la moitié vient de l’Hexagone – dont beaucoup trouvent à partager les préoccupations relatives à l’ambiguïté du réel et à la qualité de l’image censée en témoigner.

Ainsi Camille Llobet qui, un après-midi de plein soleil en Grèce, a photographié de loin un quartier d’habitations densément bâti (Thessalonique, 5e arrondissement, 2010). Du cliché résulte une étrange impression de pixellisation et de vibration alors qu’aucune retouche ultérieure n’y a été effectuée. Dans un film tourné en milieu urbain, Thomas Léon mêle réel et fiction en faisant se télescoper un véritable bâtiment industriel et des constructions de synthèse dans une image électronique qui finit par se fondre dans du réel enregistré avec un téléphone portable, sans que l’on ne sache plus ce qui est quoi (Living in the Ice Age, 2010). Troublant et captivant à la fois, le Thaïlandais Viriya Chotpanyavisut crée, avec des clichés noir et blanc de formats moyens, un univers étrange car indéchiffrable et indéfinissable, où pourtant tout procède d’une observation sensible et attentive de la lumière ou de menus objets.

Un prochain « Rendez-vous » est prévu en 2013 à Lyon qui permettra, entre autres, de découvrir des artistes sud-africains.