Débarquer dans le monde du design avec comme seule réalisation un radiateur n’a pas de quoi susciter l’attention. Et pourtant, lorsqu’en 2004, pendant le Salon du meuble de Milan, Joris Laarman exhibe son radiateur Heatwave, le succès est immédiat. L’objet est indubitablement original : il marie un matériau plutôt lisse, le ciment, à une forme rococo. L’extravagance entrait alors au royaume des calorifères. « Le motif baroque était tout indiqué, soulignait à l’époque Joris Laarman. Non seulement il sied au grand format, mais, techniquement parlant, plus un radiateur a une surface importante, mieux il diffuse la chaleur ». Avec le radiateur Heatwave – dimensions : 170 x 95 x 5 cm –, le designer démontrait ainsi que fonctionnalité n’est pas forcément synonyme de formes géométriques. Il concrétisait surtout de belle manière son projet de fin d’études présenté en 2003 à la Design Academy d’Eindhoven (Pays-Bas). Produite l’an passé, la version Volta (électrique) coûte 3 950 euros. La version Aqua (eau), elle, devrait être commercialisée à la fin de l’année par l’entreprise belge Jaga.
Savant fou
Joris Laarman aime à raconter qu’enfant il voulait devenir… un savant fou. Pas étonnant donc s’il a baptisé son atelier « Laboratoire » et s’il n’hésite pas à frotter le design à la science. À 27 ans, il vient de marquer un nouveau coup avec la Bone Chair ou chaise Os, sa dernière « créature » présentée en décembre à Miami, lors du salon Design Miami 2006 (lire le JdA n°251, 19 janvier 2007). La structure de ce siège en aluminium poli miroir – dimensions : 45 x 77 x 76 cm – fait effectivement penser à celle d’un squelette. Son esthétique a notamment été inspirée par les travaux de Claus Matthek, expert en biomécanique au Centre de recherche nucléaire de Karlsruhe (Allemagne), lequel a décortiqué les principes structurels de développement des arbres et des os. Ainsi, et pour faire simple, un arbre, au cours de sa vie, est continuellement en train d’optimiser sa forme en fonction des contraintes subies. Au cours de la sienne, un os forcit par exemple à l’endroit où la solidité est requise et, inversement, s’amenuise lorsqu’il n’est soumis à aucune contrainte. De ce double constat ont résulté des logiciels utilisés pour « optimiser » la forme de certaines pièces « mécaniques ». On en use actuellement en médecine pour fabriquer des broches chirurgicales ou encore dans l’automobile en vue d’alléger les composants.
L’objectif est clair : comment obtenir un maximum de stabilité avec un minimum de matériau ? Question assurément centrale dans le design aujourd’hui.
Pour réaliser son assise, Joris Laarman a eu accès au programme informatique « Processus d’optimisation » exploité par la firme automobile Opel dans son Centre international de développement technique, à Rüsselsheim (Allemagne). À l’instar des os d’un squelette, le logiciel a mis de la matière là où s’exercent des efforts et l’a retirée là où elle n’était pas indispensable. Le procédé est applicable à n’importe quelle échelle.
Par ailleurs, selon le matériau utilisé, les formes seront plus ou moins épaisses. Ainsi, la Bone Chaise Longue, deuxième siège de la série Bone, que Joris Laarman a conçu en résine de polyuréthane translucide est, elle, beaucoup plus « massive » que la Bone Chair. Ces deux assises ont, en outre, bénéficié d’une nouvelle technique de production, le procédé Cad/Cast développé par la société néerlandaise Gravotech. Aussi complexes soient-elles, elles ont toutes deux été moulées en une seule pièce. Seul « os » : le coût évidemment dispendieux de toute cette haute technologie. Chanceux, Joris Laarman a eu l’appui financier du galeriste new-yorkais Barry Friedman. Retour sur investissement pour le marchand américain : l’édition en séries limitées à 12 exemplaires de chaque modèle de la série Bone, présent ou à venir… Prix annoncé pour la Bone Chair : 32 000 dollars pièce.
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Joris Laarman
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°252 du 2 février 2007, avec le titre suivant : Joris Laarman