Design - Architecture

Jeu d’enfant

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 8 décembre 2009 - 668 mots

PARIS

Représenter l’architecture contemporaine sous forme de jouet n’est pas exercice aisé. L’introduction de nouveaux modèles dans les catalogues des fabricants s’effectue, en outre, avec prudence, en fonction des sacro-saints tests de consommateurs.

Résultat : la réalité évolue toujours plus rapidement que sa représentation en miniature. Ainsi en est-il chez Playmobil (1), marque vedette du groupe allemand Geobra Brandstätter. Si la fameuse figurine articulée créée en 1974 est une réussite indéniable, force est de constater que les environnements contemporains dans lesquels elle évolue aujourd’hui ne sont pas fascinants, voire tout simplement ringards. La maison moderne (réf. 3965) et la villa moderne (réf. 4279) arborent une esthétique mocharde de style « promoteur ». Idem pour les aménagements intérieurs, déjà démodés, tel ce salon dit « contemporain » (réf. 3966) et son mobilier dit « moderne ».

Édifices emblématiques
Le danois Lego – contraction du danois leg godt qui signifie joue bien – semble, lui, un brin plus réceptif à l’esthétique contemporaine. On ne compte plus, à travers la planète, les reproductions (faites à partir de ces fameuses « briques à plots » en plastique inventées en 1949) d’édifices emblématiques de l’architecture, de la villa Savoye (Le Corbusier, 1931) au stade national de Pékin (Herzog et de Meuron, 2008). On se souvient aussi de la chaise Red Blue conçue en 2004 par le designer italien Mario Minale pour le collectif Droog Design, d’après l’assise originale signée… Gerrit Rietveld. En 2008, Lego a cédé une licence spéciale pour sa nouvelle ligne « Lego Architecture » à Brickstructures (2), firme américaine fondée par l’architecte Adam Reed Tucker pour « promouvoir l’utilisation de la brique Lego en relation avec l’architecture ». L’homme s’est d’abord illustré en érigeant, à grande échelle, quelques édifices emblématiques, en particulier des gratte-ciel : feu le World Trade Center, la tour Burj Dubaï à Dubaï, la tour Jin Mao à Shanghaï… Puis, en 2008, il a imaginé, à échelle plus réduite et pour le commerce cette fois, deux monuments célèbres de Chicago : la Sears Tower et le John Hancock Center. Rebelote en 2009 avec le Space Needle (Seattle) et l’Empire State Building (New York).
 
À l’occasion de la rétrospective dédiée à l’architecte Frank Lloyd Wright (3), que la Fondation Guggenheim a organisée cet été dans son bâtiment phare new-yorkais pour les 50 ans dudit édifice, deux nouveaux modèles ont vu le jour : le Musée Guggenheim de New York justement, et une villa iconique, la fameuse Fallingwater House (la maison sur la cascade). « Je ne considère pas mes modèles comme des répliques littérales, mais plutôt comme des interprétations artistiques, explique Adam Reed Tucker. Mon désir est de capturer l’essence particulière d’un monument à travers la pureté sculpturale de sa forme. » Le fait est que le résultat est mitigé. Le Musée Guggenheim, par exemple, perd toute la saveur de sa spirale ascendante et de ses courbes sensuelles, ressemblant à un banal vaisseau spatial. Un brin plus séduisante, en revanche, est la villa Fallingwater, ce qui est dû, sans aucun doute, à sa silhouette originelle davantage rectiligne. On comprend dès lors pourquoi Adam Reed Tucker s’est attaqué à des tours au galbe rigoureux, non à un édifice à la Frank Gehry. Il n’empêche : le plus réjouissant est de voir qu’enfin l’architecture contemporaine a droit de cité. Quant au marché de la maison individuelle, serait-il de nouveau à portée de main des architectes, du moins au rayon des jouets ?

1) L’exposition « Il était une fois Playmobil » retrace l’histoire de la célèbre figurine jusqu’au 9 mai 2010, Musée des arts décoratifs de Paris, www.lesartsdecoratifs.fr
2) Brickstructures Inc. ( www.brickstructures.com) est le distributeur exclusif de la ligne « Lego Architecture », forte, pour l’heure, de six modèles. À titre indicatif, la Sears Tower, le John Hancock Center, l’Empire State Building et le Space Needle coûtent 25 dollars pièce, le Guggenheim Museum 45 dollars et la Fallingwater House 100 dollars
3) Une rétrospective Frank Lloyd Wright a lieu jusqu’au 14 février 2010 au Musée Guggenheim de Bilbao, www.guggenheim-bilbao.es

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°315 du 11 décembre 2009, avec le titre suivant : Jeu d’enfant

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