La galerie Art: Concept, à Paris, propose de découvrir les derniers dessins et peintures de Jean-Luc Blanc autour du thème du portrait.
À la galerie Art : Concept, à Paris, Jean-Luc Blanc (né en 1965) poursuit, entre peintures et dessins, le déploiement de son univers singulier et énigmatique focalisé sur le portrait.
Les documents que vous collectez et archivez avant de les réutiliser dans votre travail doivent-ils présenter des qualités particulières ?
J’aime ce précepte situationniste de la dérive ; par exemple, pour l’un des tableaux exposés ici, j’ai trouvé une diapositive dans un caniveau. Je ne cherche pas, je mets le doigt dessus quelquefois et ça m’amuse d’avoir ces petits butins. J’aime l’idée de trouver des images qui ne sont prises en charge par personne, qui se trouvent abandonnées, en perdition. Je constitue également un herbier de feuilles synthétiques, car on en trouve toujours si l’on est vigilant. Les images sont un peu comme un herbier ; je les utilise pour les protéger de la disparition et les hiérarchiser, comme un botaniste consigne toutes les catégories et particularités de certaines espèces végétales.
Mes actes et mes décisions sont souvent liés à ma vision du monde. Je suis témoin de mon temps et je ne vois pas comment mieux définir cela, et donc opérer, que par la collecte. Je ne prends pas de décision arrêtée pour ces images, elles ont un peu un devenir de fantôme et ont figé un moment qui ne m’appartient pas. Je regarde les images car cela me permet d’être confortablement installé par rapport au désir d’un autre, puisque c’est un inconnu qui a choisi un cadre. Et si quelque chose suscite mon intérêt, c’est peut-être que je partage quelque chose, sans savoir exactement quoi, de l’expérience d’un autre par rapport à un cadrage et une mise en abyme de l’image.
Entre la source et ce que vous en donnez à voir via le dessin et la peinture, y a-t-il une prise de distance par rapport à l’image ? (ce qui aurait pour conséquence peut-être d’imposer une autre forme de réalisme…)
J’essaye d’être au plus près de ce que l’image trouvée me donne à voir matériellement, c’est-à-dire : surface, composition, couleur. Ensuite il y a une sorte de défi et même d’affrontement puisque l’image résiste. J’ai beau être le plus objectif possible pour ne pas perdre le contrôle, les images ont leur puissance magnétique, hypnotique. L’expérience que je vis par rapport à une image, c’est comment je lui résiste, comment elle lutte, et comment nous menons ce combat ; parfois c’est elle qui prend le dessus et je perds donc le contrôle sur elle. Il y en a d’ailleurs une dans l’exposition [pour laquelle c’est le cas et] qui est assez âpre, c’est le personnage au pull jaune qui n’est pas très présentable. Cela m’amuse d’entrer dans un moment où je me dis « je ne sais pas ce que je fais et je me mets dans un contexte qui n’est pas le mien ». Cela me place alors dans le mauvais contexte, mais dans la bonne énergie pour pouvoir produire, ou du moins pour trouver raisonnable d’aller aussi loin dans la déraison.
Dans le traitement plastique parfois un peu brutal que vous faites de ces figures, y a-t-il une volonté de susciter un certain malaise chez le regardeur ?
Il y a en fait quelque chose d’un peu grossier. Quand j’ai décidé d’être artiste, j’ai toujours eu besoin d’avoir du recul, une distance. Ces choses un peu outrancières proviennent aussi du fait qu’en même temps que des gens couchent sur la pellicule des moments de la modernité, la publicité de cette modernité est complètement retardataire ou réactionnaire. Il y a également un côté profanation, la beauté doit en être très proche. On n’est donc peut-être pas dans la délicatesse mais plutôt dans des va-et-vient avec une manière qui est trop affectée dans la réalisation : très soignée, très lustrée, très aimable.
Une autre chose importante est que, lorsqu’on a trop exposé les actrices à la lumière, les raccords maquillage ne sont plus ça, ou bien des images commencent à être salies. Cela m’intéresse aussi, cette double possibilité que peuvent revêtir mes images quant à leur définition, aussi bien plastique que dans leur nature propre, laquelle relève d’un grand mystère. Cela m’amuse de jouer, de flirter avec une autre dimension.
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Jean-Luc Blanc « La beauté doit être proche de la profanation »
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galerie Art : Concept, 13, rue des Arquebusiers, 75003 Paris, tél. 01 53 60 90 30
www.galerieartconcept.com
tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Jean-Luc Blanc « La beauté doit être proche de la profanation »