Art contemporain

Jan Fabre, l’homme de la « consilience »

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 11 mars 2011 - 619 mots

La cigarette à la main, il va, il vient, passe d’une pièce à l’autre, se pose un moment ici, discute avec l’un de ses collaborateurs là, se lève, retourne d’où il était venu, revient sur ses pas, échange à nouveau avec un autre, puis disparaît : Jan Fabre ne s’arrête jamais.

Les cheveux gris, le front dégagé, il porte un manteau gris enfilé sur une veste sombre et une chemise en cachemire couleur jean clair. Plutôt petit de taille, le col du manteau relevé, la chemise hors du pantalon, veste et paletot grand ouverts, il y a quelque chose de napoléonien dans son attitude que corroborent sa façon agitée et son esprit très directif. 

« L’art, un moyen de défense »
Dramaturge, plasticien et chorégraphe, Jan Fabre appartient à cette espèce de créateurs qui ne peut envisager l’art que dans une consubstantielle relation entre les genres. Le concept de « consilience », une théorie de la complémentarité des savoirs qu’il a empruntée à Edward O. Wilson, fonde depuis le début le principe actif de son travail. Si, à son seul nom, remonte en mémoire comme un parfum de scandale, c’est que Jan Fabre est l’auteur de spectacles provocateurs qui ont remué les planches du Festival d’Avignon. 

Mais comment parler du corps, du sang, de la vie et de la mort sans bousculer l’autre ? Sans aller le chercher dans les tréfonds de son for intérieur ? « L’art tel que je le perçois est un moyen de défense de la vulnérabilité de notre état d’humain, de défense de la vulnérabilité de la beauté », tient à préciser l’artiste.

Originaire d’Anvers, né en 1958, Jan Fabre s’est installé dans le quartier de son enfance, le Seefhoek, un quartier populaire connu pour être une zone à problèmes. En 2006, il y a créé un lieu unique en son genre dans les locaux d’un ancien théâtre que la Communauté flamande et la ville ont mis à sa disposition pour trente-trois ans et qui a été réhabilité par l’architecte Jan Dekeyser. Ce lieu dans lequel il invite des artistes à intervenir pour l’inscrire encore plus fortement dans la ville présente une structure duelle : d’une part, Angelos bvba, qui est présenté comme son « manager », se charge de l’orchestration de l’ensemble de tous ses projets dans le domaine des arts plastiques ; de l’autre, Troubleyn/Jan Fabre, qui accueille la compagnie de théâtre qu’il a fondée en 1986 et dont il est le directeur artistique, est doublé de Troubleyn/Laboratoire, un territoire d’expérimentation pour troupes en quête d’espace. Un esprit communautaire gouverne l’ensemble de ce lieu qui s’offre à voir bien plus comme un « milieu », au sens alchimique du terme, et dont Jan Fabre passe pour être le grand ordonnateur.  

« Quand je pense, je dessine »
L’homme n’en reste pas moins d’une grande simplicité et d’une franche convivialité. C’est peu de dire qu’il est un être passionné, tout entier investi par son travail. Fou de dessin – « Quand je pense, je dessine ; lorsque je dessine, je pense », aime-t-il à répéter –, Jan Fabre revendique haut et fort le leugen van de verbeelding (mot-à-mot : « le mensonge de l’imagination »). 

Fasciné tant par Bosch que par Rubens, émule du monumental homme de théâtre qu’était Jerzy Grotowski, son œuvre multiplie les entrées au bénéfice de l’interaction du corps et de l’esprit. Dans une tradition somme toute résolument humaniste.

Biographie

1958 Naissance à Anvers (Belgique).

Années 1970 Dans une série de performances, brûle des liasses de billets pour dessiner avec les cendres.

1984 Biennale de Venise.

1990 Recouvre le château de Tivoli au stylo à bille bleu.

2008 Invité du Louvre.

Avril 2011 Vaste exposition au musée Kröller-Müller (Pays -Bas).

Jan Fabre. New Works

Galerie Daniel Templon, 30, rue Beaubourg, Paris IIIe, www.danieltemplon.com, www.troubleyn.be, jusqu’au 21 mai 2011.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°634 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : Jan Fabre, l’homme de la « consilience »

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