La Ve édition des Rencontres de la photographie africaine de Bamako, au Mali, s’est déroulée sur le thème « Rites sacrés/Rites profanes ».
BAMAKO - En plein cœur de l’Afrique de l’Ouest, au Mali, Bamako a réussi à s’imposer comme capitale de la photographie africaine. Pour leur cinquième édition intitulée « Rites sacrés/Rites profanes », sous le commissariat général de Simon Njami, les Ves Rencontres de la photographie africaine organisent une dizaine d’événements dans toute la ville : des hommages, une exposition de groupe internationale au Palais de la culture, des monographies. Des expositions thématiques comme celle de l’unique galerie du pays, la galerie Chab Touré, qui s’intègre au tissu urbain avec des scènes de football en Afrique. Ou encore les photographies de la collection Alex van Gelder, qui reviennent sur le rituel des familles béninoises consistant à photographier les morts avant qu’ils rejoignent leur dernière demeure. Tout cela étayé par des séminaires, des concerts et autres festivités « off » qui impliquent la population de la ville.
La manifestation réunit une centaine d’artistes et de photographes venus de toute l’Afrique mais aussi de la diaspora. Loin d’avoir perdu le nord, ces photographes ont, pour certains, commencé par une photographie alimentaire avant d’être reconnus par les instances artistiques occidentales. Les Rencontres sont d’ailleurs massivement soutenues par l’Europe, et la France contribue à son rayonnement avec la mission « Afriques en Créations » de l’AFAA (ministère des Affaires Étrangères).
Une activité à but lucratif et des portraits en guise de « rite profane » ? C’est le cas pour Seydou Keïta, le fameux artiste malien, décédé en 2001, d’abord ébéniste de profession avant de se lancer dans la photo. Ses portraits sont une radiographie de la société malienne depuis les années 1950. Jeux graphiques, cadrages parfaits, humour et poésie, ces clichés apparus sur la scène artistique internationale dans les années 1990 sont pourtant avant tout des portraits de studio qui ont peu à peu dépassé les frontières de la ville. Son œuvre est d’ailleurs au centre d’une polémique financière depuis son décès. Autre portraitiste récemment disparu : Levon Boyadjian, surnommé « Van Léo ». Dans les années 1950, ce photographe arménien émigré en Égypte après le génocide de 1915 donne aux portraits de ses clients des allures d’icônes orientales dignes des mirages hollywoodiens. Les héritiers de Van Léo se font remarquer, ici avec l’exposition monographique de Nabil Boutros et son regard sur les chrétiens d’Égypte, là dans la présentation de groupe à la Bibliothèque nationale de Bamako. Plusieurs d’entre eux ont émigré vers l’Europe ou les États-Unis. Collaborateur de La Chapelle ou de Testino, Youssef Nabil et ses portraits de célébrités qui vont de Frida Kahlo à Natascha Atlas ou Nan Goldin a d’ailleurs été honoré du prix Keïta. Dans un tout autre style, Maha Maamoun capte le mouvement d’une ville à travers ses clichés du Caire tandis que Lara Baladi donne dans une œuvre plus conceptuelle aux couleurs saturées.
Pour ce qui est de la section « Diaspora », Cuba laisse planer l’ombre du Che sur des œuvres d’une grande diversité, en noir et blanc. Alfredo Ramos Fernández nous livre ses images floues de La Havane. Cirenaica Moreira traite le corps avec un sens de la performance, pendant qu’Alina Isabel Pérez nous plonge dans une atmosphère minimale.
Micmac foisonnant
Parmi les fonctions de la photographie figure celle du témoignage, à travers notamment le photoreportage. Ainsi, d’autres pays dévoilent leur santé photographique en même temps que leurs réalités socio-économico-politiques. Le Mozambique avec Ricardo Rangel comme le Zimbabwe avec John Mauluka n’ont d’autre choix que l’engagement et le militantisme photographique pour montrer leur Histoire meurtrie et le lourd tribut qu’ils paient pour leur indépendance. Naturellement intéressé par les questions de territoires et par l’idéologie qui les sculpte, le Sud-Africain Santu Mofokeng réalise une série autour des camps de concentration et le malaise qu’ils diffusent encore aujourd’hui. Dans un souci d’ouverture sur l’extérieur, l’Allemagne est l’invitée d’honneur des Rencontres avec une série de portraits où se découvrent des regards simplement humains.
Dans ce « micmac » foisonnant où les œuvres ne sont pas toujours au même niveau, ce sont les questions sociales et humanistes qui l’emportent, souvent avec talent et sans complaisance.
- Sous l’intitulé « Rites sacrés/Rites profanes », les Ves Rencontres de la photographie africaine de Bamako (Mali) se sont déroulées du 20 octobre au 20 novembre - À lire : l’ouvrage officiel des Rencontres : Biennale photographique de Bamako 2003, éd. Eric Koehler, Paris, 256 p., 29,50 euros.
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Images d’Afrique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°181 du 21 novembre 2003, avec le titre suivant : Images d’Afrique