Paris - « Si l’art a eu une histoire et s’il continue d’en avoir une, c’est bien grâce au travail des artistes et, entre autres, à leur regard sur les œuvres du passé, à la façon dont ils se les sont appropriées », disait l’historien de l’art Daniel Arasse.
C’est l’histoire de la tapisserie La Dame à la licorne, chef-d’œuvre tissé vers 1500 conservé au Musée de Cluny, que la chorégraphe Gaëlle Bourges s’est appropriée pour créer À mon seul désir (2014), l’un des temps forts de cette édition du festival June Events. L’histoire de l’art est une lecture de l’image qui n’appartient pas qu’aux historiens. Aux éléments contextuels de la tapisserie relatés par une voix off se mêle la perception de la chorégraphe qui effeuille et décrypte cette représentation de la virginité féminine du début de la Renaissance, à travers une subjectivité distante de plusieurs siècles. « J’aime me relier à ces œuvres, comprendre le contexte historique, sociologique, philosophique de leur fabrication en avançant plutôt avec un appareil critique issu des pensées féministes – une sorte de sentier archéologique, qui descend le long d’une histoire du regard », explique-t-elle. À travers la lente partition chorégraphique de quatre danseuses, rythmée par le passage ritualisé de masques d’animaux dont elles s’affublent tour à tour, À mon seul désir offre une lecture à plusieurs niveaux de ce récit médiéval sur la pureté virginale de la Dame dont la licorne est garante. Sur l’avant-scène, un épais rideau vermeil parsemé de fleurs fait écho au motif « millefleurs » caractéristique de ces tapisseries qui ornaient les luxueuses demeures. Ce décor performatif évolue au gré des six panneaux qui réinterprètent les six tentures originelles représentant chacune un sens : le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue et un mystérieux sixième sens. Gaëlle Bourges donne corps à la magie de ces œuvres d’art qui nous relient aux regards d’autrefois et dont la puissance évocatrice nous interpelle encore profondément.
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Quoi ?
À mon seul désir, de Gaëlle Bourges
Où ?
Le Carreau du Temple, 2, rue Perrée, Paris-3e
Quand ?
Les 13 et 14 juin 2019
Comment ?
Dans le cadre du festival June Events
Cet article a été publié dans L'ŒIL
n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Histoire de regard