Hilarité circonstancielle

La foire ayant été annulée, c’est dans un tout autre contexte que vient résonner cette actualité artistique. Le plasticien américain (né en 1940), connu pour son œuvre critique, souvent ironique, irriguée par la théorie du langage et les conditionnements liés au contexte culturel, a accepté de se confronter à la marque La Vache qui rit et à ses codes. Depuis 2003 et son œuvre Meaningless, Mel Bochner vient en particulier souligner la façon dont notre espace mental – via les téléphones, les réseaux sociaux, les injonctions publicitaires… – est saturé par la production de discours dénués de signification. Le commentaire de cette vacuité que livre l’artiste avec ses peintures Blah, Blah, Blah a par la suite été décliné dans une série qui n’en conserve que les deux dernières lettres inversées : Ha. Pour son design de la fameuse boîte de fromage, il efface l’arrière-plan habituel afin de mettre en relief la tête de celle qu’il considère comme « l’incarnation pop art de la Joconde», sur fond d’onomatopées « Ha ha ha » de taille et de couleur variables, créant graphiquement un effet de profondeur et d’écho. « Une œuvre peut-elle rire ? » Bonne question au moment où cette icône de la mondialisation agroalimentaire est touchée par l’appel au boycott des produits français dans une partie du monde arabe, où l’art de la caricature et les limites de l’humour font débat. Ironie du sort quand on pense que l’Algérie représente le marché principal de la vache hilare, très appréciée au Maghreb et sur tout le continent africain pour sa capacité de résistance à la chaleur. Mais pas spécialement pour la résilience de son rire.