HandlePlus 334gsm

Clint Eastwood éjectera manu militari son rejeton hors de chez lui et, scénario oblige, ne prendra même pas le temps de regarder ledit objet. Les visiteurs de la dernière Biennale internationale de design de Saint-Étienne, si. Fin 2010, dans l’exposition « Confort » conçue par le designer allemand Konstantin Grcic (lire le JdA no 336, 3 déc. 2010, p. 14), ils ont ainsi pu admirer un téléphone de la même famille : le Doro HandlePlus 334gsm. L’appareil est fabriqué par la firme suédoise Doro, spécialiste ès « mobiles simplifiés ». Côté esthétique, l’objet a été dessiné par Ergonomidesign (1), agence également suédoise spécialisée, elle, dans le registre du « Design pour tous ». 

Un jouet
Avec son nombre restreint de touches et surtout leur surdimensionnement, on dirait un jouet. Il n’en est rien. Comme le précise le fabricant, le Doro HandlePlus 334gsm est « adapté aux seniors très novices en matière de portable et souffrant de troubles de mémoire, de vision, de dextérité ou d’audition ». En clair, des personnes présentant des déficiences, voire des problèmes de cognition. Sa particularité : son absence de clavier chiffré. Outre un écran sur lequel les chiffres s’affichent en grand, il arbore quatre touches (A, B, C et D), suivies d’un espace sur lequel l’utilisateur peut inscrire un nom. Afin de les repérer encore plus facilement, ces touches sont noires, contrastant, de fait, avec la blancheur de la coque de l’engin. S’y ajoutent les deux touches classiques verte (pour lancer la communication) et rouge (pour l’interrompre), une touche pour verrouiller le téléphone (et éviter tout appel intempestif), ainsi qu’une touche « SOS » permettant de joindre directement un cinquième interlocuteur. Mieux : une 6e touche, dite « d’appel d’urgence », située au dos du téléphone, permet d’appeler automatiquement cinq correspondants – qui peuvent être identiques, ou non, à ceux qui figurent au recto de l’appareil – avec diffusion d’un message et d’un SMS préenregistrés. Bref, un éloge de la simplification. Une unique pression sur une touche permet ainsi de répondre à tout appel ou inversement de joindre son correspondant. Pour les malentendants, le téléphone est compatible avec les appareils auditifs et le volume de la sonnerie peut aller jusqu’à… 83 dB (A). Enfin, pour les personnes vivant seules et susceptibles d’avoir besoin d’aide, il existe une seconde version un peu plus sophistiquée, la IUP – pour « Isolated User Protection » [Protection d’utilisateur isolé] –, qui offre une fonction supplémentaire : le déclenchement d’une alarme automatique en cas de perte de verticalité ou d’horizontalité doublée d’absence de mouvement.

À propos de l’exposition « Confort », Konstantin Grcic soulignait : « Je crois qu’en termes de confort, l’élément déterminant est le bien-être, une forme d’aisance. » Et à propos de ce téléphone portable : « Dans ce cas, la simplicité d’usage est un élément essentiel. Sentir que l’on peut joindre à tout moment ses amis, sa famille ou les secours est d’une importance capitale. Le confort dans le sens de la certitude d’être relié aux autres malgré le fait que l’on soit tout seul. »

Si Clint Eastwood n’a pas vraiment eu le temps d’apprécier l’objet, le Fonds national d’art contemporain (FNAC), qu’on ne saurait accuser de déficience précoce, l’a adopté, fin 2010, pour l’intégrer à ses collections.