Au Palais des beaux-arts de Lille, l’exposition « L’homme-paysage » renvoie l’homme à sa nature.
LILLE - Dans le cadre de « Lille 3000 », l’exposition « L’homme-paysage », présentée au Palais des beaux-arts de la ville, propose une aventure dans les plis et les replis du paysage humain, au sein d’une nature aux contours anatomiques. Pour ce faire, la commissaire de l’exposition, Jeanette Zwingenberger, a puisé à l’art de la Renaissance comme à ses ramifications contemporaines.
Les plus belles pièces se trouvent sans doute du côté de l’art ancien. Ainsi d’un Arcimboldo datant de 1580 dont les fruits gâtés composent un portrait aux saveurs passées. On se régale par ailleurs avec le ton ludique que prennent les œuvres d’Anton Mozart et les trompe-l’œil de Joss de Momper ou de Matthäus Merian. Ces énigmes visuelles superposent des personnages au paysage. Et, l’angle de vue changeant, sans cesse apparaissent de nouvelles possibilités. Les XVIe, XVIIe ou XVIIIe siècles correspondent à la découverte scientifique du corps comme à l’essor de l’humanisme. Les hommes explorent le monde et ses contrées. Tel arbre a alors des allures bronchiques, et tel homme possède un pic, un cap ou une péninsule en guise de nez. Quant aux femmes, leur corps est parfois évoqué en termes de géographie faite de merveilles et de monts escarpés. Claude François Fortier (1775-1835) efface tout simplement l’homme en le taillant dans le végétal. Une estampe japonaise du XIXe signée Kuniyoshi remettrait presque en question L’Origine du monde, de Courbet, tant elle lui ressemble et fait de l’entrejambe ainsi offerte un lieu habité par la déesse du Soleil. L’être humain est omniprésent, mais représente peu de chose face aux luxuriants paysages dans lesquels il s’insère.
Plus près de nous, au cours des années 1970, les artistes ont mis leur corps à l’épreuve de la nature à travers la performance pour mieux renaître : Ana Mendieta, Dieter Appelt nous entraînent dans d’éloquents rituels où l’épiderme apparaît dans sa fragilité. Tandis que, dans la décennie 1990, le corps est occulté, morcelé, mis en réseau. Le règne de l’informatique a changé les règles des mondes animal et végétal. Javier Pérez présente un univers organico-végétal fait de réseaux capillaires, et Pascal Convert, un corail qui a tout des circonvolutions d’un cerveau. Les membres du corps se déploient et prolifèrent étrangement avec la jeune Agnieszka Podgorska. Pendant que les architectes de R&Sie (n) s’inspirent du milieu végétal, la Japonaise Yayoi Kusama tente d’embarquer le public dans un bateau composé d’organes aux formes phalliques. L’exposition est ponctuée de curiosités façonnées par la nature elle-même – et évoquant parfois une forme humaine – comme des crânes fossilisés, des météorites, une incroyable branche de mandragore… « L’homme-Paysage » renvoie l’homme à sa nature, trouble, fragile, complexe, plurielle, vivante et sujette à de perpétuelles découvertes.
Jusqu’au 14 janvier, Palais des beaux-arts, 18 bis, rue de Valmy, 59000 Lille, tél. 03 20 06 78 00, lundi 14h-18h, du mercredi au dimanche 10h-18h. Catalogue, Somogy Éditions, 168 p., 29 euros, ISBN 2-7572-0014-0.
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Géographie humaine
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat général : Alain Tapié, conservateur en chef du Palais des beaux-arts - Commissaire : Jeanette Zwingenberger, historienne de l’art - Nombre d’artistes : 71 - Nombre d’œuvres : 107
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : Géographie humaine