Jamais avare de bons mots qui donnent à ses moulages en plastique des reliefs ambigus, Étienne Bossut (né en 1946, vit et travaille à Dôle) revient à la galerie Chez Valentin, à Paris, avec de nouvelles «”¯images-objets”¯»”¯: une carrosserie de coccinelle criblée d’impacts de balles, des disques assemblés au mur ou des vases années 1950…
Les titres de vos expositions et de vos œuvres sonnent souvent comme des jeux de mots. Les élaborer constitue-t-il une activité à part entière ?
J’aime beaucoup les jeux de mots. Je pense que c’est grâce à l’ambiguïté présente dans mon travail. Le moulage est quelque chose qui est à côté de la réalité, les gens s’y trompent souvent. Ils prennent le vrai pour le faux et vice versa. J’ai intitulé la coccinelle Pas ce soir (2007). Or, elle est comme une passoire, mais après avoir été plein d’autres choses. C’est comme un rendez-vous manqué, une chose ratée.
Souhaitez-vous faire ressortir de votre travail un caractère ludique ?
Il y a cet aspect personnel, mais aussi le fait que le plastique est un matériau joyeux. Il suffit de voir une œuvre des débuts de Martial Raysse ou bien, comme je l’ai dit récemment, « Deschamps est quand même plus joyeux que Duchamp ! » C’est aussi une question d’époque. Je suis né dans l’immédiate après-guerre. La découverte de ces matières plastiques et de ces couleurs était quelque chose de fabuleux. Maintenant, nous en voyons les inconvénients, mais à l’époque nous croyions que l’avenir serait sauvé par la technique.
Cette coccinelle est-elle un symbole personnel ?
Je suis lié à Saint-Etienne, où j’ai fréquenté les beaux-arts. J’ai aussi eu un passé de collectionneur d’armes ; j’ai adoré ça. Par la suite, j’ai possédé toute une série de coccinelles. Peut-être que cette histoire personnelle a-t-elle donnée cette pièce-là ? Mais en allant plus loin, cette œuvre sonne un peu comme la fin de l’automobile créée par l’homme. Concernant les impacts, qui dit moulage, dit empreinte. J’ai déjà fait plusieurs œuvres avec l’empreinte car c’est l’idée d’un passage : la police relève les empreintes, les chasseurs les suivent, etc. C’est la même chose avec une trace de balle, c’est la preuve qu’elle est passée, la preuve par 9 mm que j’ai tiré à la carabine dans la carrosserie.
Le moulage, tel que vous l’envisagez et le pratiquez, relève-t-il plutôt d’une production artisanale ou industrielle ?
Ni l’une ni l’autre, c’est artistique. J’aime beaucoup m’amuser avec l’artisanat d’art, c’est pour cela que j’ai moulé des vases, intitulés Fait à la main (2007), avec une nouvelle fois un double sens. Souvent, les artisans qui ont un bon métier sont assez frustrés de ne pas être considérés comme des artistes. Cela m’amuse. Je ne les méprise pas du tout puisque j’ai moi-même été artisan avant d’être artiste. Mais un artiste, c’est un artiste… c’est une œuvre ou ce n’en est pas une. Il suffit de le décider.
Avez-vous pensé à faire du moulage dans d’autres matières que du plastique ?
Non, je n’ai pas encore épuisé toutes les possibilités du plastique. J’aime ce matériau qui a de grandes qualités, surtout du point de vue des couleurs qui ne sont pas rapportées mais se fondent dans la masse. On ne fait donc pas de la sculpture peinte.
Vous parlez d’ « images-objets ». Qu’est-ce exactement ?
Je fais de la sculpture avec mon système à fabriquer des images : le moulage. Il me permet de créer une image extrêmement précise, comme si je prenais une photo. Mais plutôt que de la faire avec un appareil argentique ou numérique, je préfère les images en trois dimensions. Pour photographier un bidon ou un cylindre, il faut en faire le tour. Avec mon moulage, j’obtiens une image spatiale qui redevient un objet. Ou plus exactement un « objet-peau », car je n’en conserve que l’enveloppe. Au demeurant, comme la plupart des objets actuels en plastique, qui ne sont que des peaux. L’original ne m’intéresse pas du tout. La coccinelle est partie à la ferraille.
Cette pratique du moulage pose aussi la question de la fonctionnalité de l’objet…
Oui, le moulage d’un disque retransmet lui aussi fidèlement le son (Composition, 2007). On dissocie l’œuvre d’art de la réalité afin d’éviter les confusions. Quand j’en ai pris conscience, en 1991, j’ai moulé mes premiers sièges en plastique. C’est une image artistique de la chaise. Si on s’assoit dessus, on s’assoit sur un moulage, mais cela n’a jamais été une chaise et cela ne peut pas en redevenir une.
Au-delà de la question de la fonctionnalité de l’objet, l’image a-t-elle une fonction ?
Oui, évocatrice de l’objet. Mais une image n’est qu’une image, une preuve de l’existence de l’objet. Il n’est plus là, il n’a jamais été en vis-à-vis de mes œuvres, mais on sait bien qu’il existe ou qu’il a existé, précisément.
Jusqu’au 19 mai, galerie Chez Valentin, 9, rue Saint-Gilles, 75003 Paris, tél. 01 48 87 42 55, www.ga leriechezvalentin.com, tlj sauf dimanche-lundi, 14h-19h.
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Étienne Bossut
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°258 du 27 avril 2007, avec le titre suivant : Étienne Bossut