Des artistes d’Europe de l’Est reviennent
sur les utopies communistes et dessinent l’avenir.
PARIS - La chute du Mur de Berlin en 1989 a sonné le glas de l’empire soviétique. Depuis, l’Est en son entier est en reconstruction… Cette atmosphère de chantier bien organisé se dégage aussi de l’exposition « Le Nuage Magellan » au Centre Pompidou, à Paris. Le titre pourrait laisser présager une excursion aux confins de la science-fiction puisque « Le Nuage Magellan » n’est autre qu’une constellation. Mais ce choix fait en réalité écho au titre d’un roman visionnaire et propagandiste signé Stanislaw Lem datant de 1955 : l’écrivain polonais nous entraîne dans un voyage interstellaire technologiquement très avancé, son récit prenant pour contexte idéologique la galaxie communiste. Dans l’Espace 315, huit artistes reviennent sur ces utopies déchues et se projettent dans l’avenir. Chargés de symboles, ce sont les monuments, l’architecture et les espaces urbains qui sont évidemment au centre de l’exposition. Entre vidéos, plans et dessins, aucune œuvre n’est en volume. Mais cela n’empêche pas le public de se sentir d’emblée capturé par une sorte de vaisseau spatial bricolé : un mur de cartons découpés dans lequel s’insère le film atemporel en noir et blanc du Croate David Maljkovic, Scenes for a new heritage 3. Y est réactivé un monument pour les héros de l’ex-Yougoslavie, c’est-à-dire les communistes, et datant des années 1970.
Réécriture de l’histoire
Clemens von Wedemeyer présente plusieurs de ses films qui mettent en scène avec talent et poésie l’agressivité capitaliste et les cicatrices de la ville. Maya Schweizer laisse se croiser la vision de la Rome d’Antonioni et de la destruction violente des immeubles en ex-RDA. Quant à Paulina Olowska, elle nourrit une affection particulière pour le néon, élément très prisé du paysage urbain communiste. Au mur, seuls points de couleurs de l’exposition, divers néons datant des années 1960 clignotent et réclament une restauration. En réaction plus frontale au communisme, les Roumains Dan et Lia Perjovschi sèment des graffitis ironiques. Les dessins de Michael Hakimi décrivent un monde futuriste fait à partir de rien, ses œuvres sur papier kraft se détachant du mur jusqu’à occuper le sol. Enfin, l’invité surprise est l’architecte radical d’origine polonaise Oskar Hansen (1922-2005), dont les projets présentés sont aussi inaboutis qu’irréalistes : cet élève de Le Corbusier avait notamment pour ambition de créer des villes linéaires plutôt que concentriques, selon un schéma « naturel ». Cette réécriture esthétique de l’histoire se traduit ici par une exposition aussi dense que sobre, minimale et peu colorée, dont il se dégage un optimisme et un humour certains. Cependant, si les questions historiques sont bien cernées, la dimension utopique et les projections dans l’avenir pourront laisser le visiteur sur sa faim.
Jusqu’au 9 avril, Centre Pompidou, Place Georges Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi 11h-21h. Catalogue, éditions Centre Pompidou, 18 euros.
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Est esthétique
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat : Joanna Mytkowska, conservatrice au Musée national d’art moderne - Scénographe : Maciej Fiszer - Nombre d’artistes : 8 - Nombre de salles : 2
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°252 du 2 février 2007, avec le titre suivant : Est esthétique