En un saisissant tir groupé, l’Institut, le Musée d’Orsay et l’hôtel de la Marine se transforment, s’agrandissent, projettent, imaginent, espèrent… mêlant histoire et contemporanéité.
PARIS - « Ah si Le Vau n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer ! » À chaque traversée du pont des Arts, laissant la Cour carrée du Louvre derrière soi et faisant face à l’Institut (édifié de 1662 à 1674), à sa sublime coupole et à ses deux ailes courbes, la même sensation se fait jour : il semble que l’Institut tende ses bras, comme espérant presser le passant contre son cœur… Le collège des Quatre-Nations voulu par Mazarin est devenu en 1795 « Institut de France » (réunissant les cinq Académies : française, des beaux-arts, des sciences, des inscriptions et belles-lettres, des sciences morales et politiques). Dès 1796, l’Institut cède la jouissance d’une parcelle, dénommée « le jardin du directeur », à sa voisine la Monnaie de Paris. Qui y installe des ateliers de frappe de médailles et y édifie, au XIXe siècle, une halle industrielle adossée au vestige de l’enceinte de Philippe Auguste (érigée entre 1200 et 1215).
L’Institut tentait depuis longtemps de récupérer ce petit territoire nommé « parcelle de l’an IV ». Au terme d’une guerre picrocholine, la cause est entendue et ce sera chose faite, au plus tard le 31 décembre 2012. Et déjà, l’Institut a organisé un concours d’architecture portant sur l’édification d’un auditorium de 400 places qui lui fait cruellement défaut. C’est Marc Barani (dont on connaît la gare de tramway de Nice et l’extension du cimetière Saint-Pancrace à Roquebrune-Cap-Martin) qui l’a emporté, avec un projet regroupant l’auditorium, un foyer, des salles de réunion, quelques bureaux et des espaces logistiques, pour une édification prévue de 2013 à 2015. « L’architecture est la science des correspondances subtiles », affirme Barani, qui mêle ici bien des époques ; il conserve notamment en partie la halle du XIXe siècle, la rénove, la restructure et s’en sert comme d’un fil conducteur et diffuseur de lumière. Un beau projet que Barani a le temps de peaufiner, d’affiner, d’humaniser, en particulier concernant les matières et l’auditorium proprement dit…
Au temps où Serge Lemoine présidait aux destinées du Musée d’Orsay, se profilait déjà le projet du pavillon Amont que Guy Cogeval allait mener à bien. Lemoine se voulait expansionniste, et lorgnait sur tout ou partie d’un hôtel particulier mitoyen au musée. Mais voilà, l’hôtel en question est propriété de la Caisse des dépôts et consignations face à laquelle un musée, aussi prestigieux soit-il, ne pèse que de peu de poids.
Quelques années plus tard, le pavillon Amont est en état de marche. De ce grand vide au nord-est du musée, Dominique Brard et son Atelier de l’île ont fait cinq étages aux circulations verticales, à la signalétique efficace et aux couleurs flamboyantes (prune, violet, gris, ivoire…), dont le rouge du grand mur qui s’élance sur cinq étages est le point d’acmé. Sans oublier, au deuxième étage, une élégante passerelle qui unit le pavillon à la grande nef. Les grands Courbet, les Nabis et les arts décoratifs d’ici et d’ailleurs sont les résidents privilégiés du pavillon Amont.
Au cinquième étage, la grande horloge dégagée accentue le côté « julesvernien » de l’ensemble. Là, Jean-Michel Wilmotte a organisé le parcours des impressionnistes en grands formats, le ponctuant d’élégants bancs en verre, les Water Block du Japonais Tokujin Yoshioka. Un peu plus loin, le Café des hauteurs permet de jouir d’une incomparable vue sur Paris. Un café où les frères Campana, mêlant lampes dorées et miroirs bleutés, formes tubulaires rouges et coraux épars, jouent leur partition baroque tropicale habituelle.
Deux projets pour l’hôtel de la Marine
Reste l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, dont la sublime façade édifiée entre 1757 et 1774 par Ange-Jacques Gabriel, polarisait les regards. D’un côté, le rapport de la commission Giscard gèle le lieu au profit d’administrations en manque de bureaux. De l’autre, le projet Allard, « Osons la rupture, osons la culture », proposait de revivifier le bâtiment qui fut garde-meuble puis ministère, et d’en faire un carrefour de vie, de séjour, de création, d’échanges, de rencontres… On reproche au projet Allard d’être soutenu par des people. Q’importe les people, qui n’ont que peu d’importance, seul compte le projet. Projet risqué certes, mais le risque c’est la vie et réciproquement. Allard reproche au non-projet Giscard d’être un « digne héritier bien-pensant du XVIIIe siècle ». Erreur, tant il est vrai que le XVIIIe siècle fut aventureux, actif, découvreur…
Dans cette énorme masse, fort peu demande à être sauvé (les grands salons d’apparat) et les deux projets s’y engagent. Pour le reste, deux visions de l’avenir s’affrontent. L’une, frileuse et imprégnée de conservatisme figé. L’autre, certes sujette à dérives mais qui témoigne de joie de vivre, d’une envie d’aller de l’avant, de dynamisme et d’un séduisant mélange de rêve et de réalité. Mais la cause est maintenant entendue.
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Du neuf dans l’ancien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°356 du 4 novembre 2011, avec le titre suivant : Du neuf dans l’ancien