Une scénographie cocardière brouille à l’envi la première présentation outre-Atlantique de la collection « Design » du Cnap.
MIAMI BEACH - Quelle mouche a piqué le Cnap (Centre national des arts plastiques) ? On sait son directeur, Richard Lagrange, désireux d’amplifier le rayonnement de l’institution et de ses collections, notamment à l’étranger. D’où, entre autres cette année, le choix de marquer un grand coup en présentant pour la première fois le fonds « Design » aux États-Unis, et plus précisément à Miami Beach, en Floride (lire le JdA no 358, 2 déc. 2011, p. 20). La date était toute trouvée : début décembre, au moment de la foire Art Basel Miami Beach et du salon Design Miami. Le lieu de même : le Wolfsonian-Florida International University Museum. Tout comme le thème, plutôt vaste : le design français de 1940 à nos jours. Côté budget, les deux pays se partageaient les frais à parité : 120 000 euros pour la France – « le Cnap et l’Institut français en ont réglé chacun la moitié », indique Richard Lagrange –, 150 000 dollars pour les États-Unis, selon Cathy Leff, directrice du Wolfsonian-FIU, une somme destinée à la conception de l’exposition et la réalisation du catalogue. Sur le papier, l’idée était séduisante. Le résultat l’est moins.
Propos dissous
Ayant hérité d’une « carte blanche » du Cnap, le Wolfsonian-FIU Museum a eu les coudées franches, choisissant lui-même les pièces, ainsi que la conservatrice Marianne Lamonaca pour le commissariat, la designeuse Matali Crasset pour la scénographie, le duo M/M pour le graphisme du catalogue, lesquels ont, au final, tous œuvré de concert. Objectif : « Évoquer une histoire du design français qui illustre la capacité du design d’opérer telle une pratique esthétique politiquement pertinente. »
L’institution américaine n’y est pas allée avec le dos de la cuiller, surfant à l’envi sur les clichés. D’abord, le titre de la présentation, « Liberty, Equality and Fraternity » est non seulement grotesque, mais surtout, il n’entretient aucun rapport, de près ou de loin, avec le sujet. Ensuite, la scénographie : elle se révèle on ne peut plus lourdaude, voire arrogante, déclinée à partir d’un module en forme de tabouret à trois pieds et aux couleurs du drapeau français, tabouret dupliqué jusqu’à plus soif. Ont évidemment été convoqués la « baguette », une boîte en faïence Petit Pain de l’artiste Pierre Baey, et le « béret », remplacé, pour l’occasion, par un sac Kelly de la maison Hermès : le symbole est sauf ! Bref, ne manque plus que La Marseillaise en fond sonore…
Le problème est que le propos, lui, est littéralement dissous par cette emphase cocardière. Ainsi, les neuf secteurs thématiques qui promettaient pourtant une douce ironie (« L’Administration française », « Les Activistes du siège »…) sont retranchés derrière leurs « chevaux de frise » bleu-blanc-rouge, et le visiteur a bien du mal à distinguer les pièces. Certaines, néanmoins, disent avec pertinence combien ce design hexagonal, de l’objet artisanal avec la chaise Barbare de Garouste et Bonetti à l’objet technologique (les Dream Products de Thomson), tient en une multiplicité d’approches. Mais le fait d’avoir, en outre, opté pour un grand nombre d’« îlots monographiques » réduit cette « histoire du design français » à une poignée de noms : Philippe Starck, Roger Tallon, Ronan et Erwan Bouroullec, mais aussi… Matali Crasset et M/M (sic). C’est dommage. Au pays du rodéo, tout le monde sait pourtant qu’il ne faut jamais lâcher (autant) la bride !
Commissaires de l’exposition : Marianne Lamonaca, Associate Director for Curatorial Affairs and Education au Wolfsonian-FIU ; Matali Crasset, designeuse ; M/M, graphistes, et Alexandra Midal, historienne
Scénographie : Matali Crasset et M/M
Nombre de pièces : 120
Jusqu’au 26 mars 2012, Wolfsonian-FIU Museum, 1001 Washington Avenue, Miami Beach, Floride. Tél. 1 305 531 10 01, www.wolfsonian.org
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Design bleu-blanc-rouge
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Design bleu-blanc-rouge