Simon Starling et Thomas Olbricht signent l’état des lieux de sortie du Musée Folkwang à Essen promis à une reconstruction.
ESSEN - Dans quelques jours, le 1er juillet exactement, le Folkwang Museum à Essen, en Allemagne, fermera ses portes pour une période de deux ans et demi. Jusqu’à cette date, celui qui fut, en 1933, considéré comme l’un des plus beaux musées d’art moderne du monde est encore logé dans un édifice en deux parties : l’une a été édifiée en 1959, l’autre en 1982. Cette dernière sera alors entièrement démolie et remplacée par une aile neuve – 12 500 m2 – construite par David Chipperfield. L’architecte britannique a en effet remporté, en mars, le concours d’architecture international pour l’extension dudit musée, compétition plutôt relevée où se sont côtoyés l’Anglo-Irakienne Zaha Hadid, les Suisses Gigon & Guyer, les Néerlandais de MVRDV, ou encore les Japonais de SANAA, auteurs de la future antenne du Musée du Louvre à Lens (Pas-de-Calais). Le Folkwang Museum nouveau devrait, lui, rouvrir en 2010, année où la ville d’Essen étrennera son titre de « Capitale européenne de la culture ». Avant l’entrée en scène des marteaux-piqueurs, le musée propose deux expositions printanières : d’un côté « Nachbau », de l’artiste britannique Simon Starling, de l’autre « Rockers Island, la collection Olbricht ».
La première convoque en quelque sorte les fantômes du Folkwang Museum. Dans l’aile la plus récente du musée, celle qui sera détruite donc, Simon Starling a installé Nachbau (« Reconstruction »), reconstitution quasiment à l’identique de quelques salles du musée originel – édifié en 1929 et détruit par les bombardements de 1944-1945 –, une opération réalisée à partir de quatre photographies d’Albert Renger-Patzsch. Ces clichés, qui montraient le lieu tel qu’il était à la fin des années 1920 et au début des années 1930, étaient en noir et blanc. Starling a donc enquêté auprès des derniers témoins vivants pour retrouver les couleurs, les matières, l’ambiance de l’époque. L’accrochage était alors assurément novateur, mélangeant allègrement les cultures comme les objets d’art asiatique et la peinture moderne. L’artiste interroge l’histoire et le contenu de la collection du musée. Certaines pièces ont subsisté. D’autres, confisquées par les nazis – quelque 1 400 œuvres estampillées « art dégénéré » ont été saisies en 1937 –, se retrouvent aujourd’hui dans d’autres collections publiques, ou, pour certaines, ont été rachetées, ainsi cette Nature morte d’Emil Nolde. D’autres enfin ont tout simplement disparu, tels cet Autoportrait de Giorgio De Chirico et ce Cheval rouge de Franz Marc, dont ne sont aujourd’hui visibles que des reproductions. Cette Reconstruction avant la promise destruction est une belle mise en abîme du lieu et de son passé.
Œuvres médicales
Dans la seconde aile du Folkwang Museum se déploie l’exposition intitulée « Rockers Island », laquelle présente deux cent quatre-vingts pièces du fonds peu connu d’un collectionneur d’Essen, Thomas Olbricht, 59 ans. Ce dernier n’a commencé à collectionner qu’au début des années 1980, avec des œuvres allemandes post-Seconde Guerre mondiale ; il y a une quinzaine d’années, il s’est franchement tourné vers l’art contemporain. C’est la première fois qu’une part aussi importante de sa collection – « 15 à 20 % », selon Olbricht – est montrée. La présentation, qui mêle peintures, sculptures, photographies et installations, est tout sauf chronologique. Ici une thématique : la mort, le sexe, la catastrophe… Là des dialogues entre des œuvres, ainsi avec cette huile datée 1500 et représentant un martyr exposée en regard d’une sculpture en bois sur le même sujet par Stephan Balkenhol. Ailleurs des monographies d’artiste, comme cet ensemble important signé Gerhard Richter. Les pièces fortes ne manquent pas : dès l’entrée se dresse une sculpture choc de Maurizio Cattelan, un enfant pendu par le cou à une hampe de drapeau… Plus loin, le visiteur découvre un splendide cabinet de curiosités truffé de vanités des XVIe et XVIIe siècles. « Ce cabinet, c’est mon cœur », déclare Thomas Olbricht. L’homme est médecin et professeur en endocrinologie. Pas étonnant si l’on retrouve au beau milieu de ce vaste parcours une salle d’œuvres plutôt « médicales » dominée par Doktor, de Katharina Fritsch, sculpture en polyester d’un squelette revêtu d’une blouse blanche. Ne reste plus alors qu’à reprendre ses esprits en s’asseyant sur l’une de ces banquettes accueillantes, si celle-ci ne prend pas un malin plaisir à se dérober sous notre séant. Il pourra s’agir alors de Moving Bench, pièce mouvante et amusante de Jeppe Hein.
Jusqu’au 1er juillet, Museum Folkwang, Goethestrasse 41, Essen (Allemagne), tél. 49 201 88 45 314 ou www. museum-folkwang.de, du mardi au dimanche, 12h-18h, le vendredi jusqu’à minuit.
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Abonnez-vous dès 1 €ROCKERS ISLAND - Commissaire de l’exposition : Thomas Olbricht - Nombre de salles : une quinzaine - Nombre de pièces : 280 SIMON STARLING, NACHBAU Une salle, une œuvre
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Dernières expositions avant travaux