Art contemporain - Entreprise

De l’art dans le fromage

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 24 septembre 2024 - 371 mots

La marque La Vache qui rit invite chaque année un artiste à relooker son célèbre bovin. Le Brésilien Cildo Mereiles s’est prêté au jeu.

C’est une jeune collection, mais elle fait preuve d’un grand discernement dans ses choix : Hans-Peter Feldmann, Thomas Bayrle, Jonathan Monk, Wim Delvoye, Karin Sander, Daniel Buren, Mel Bochner, Rosemarie Trockel, Martha Wilson… Chacun de ces artistes a signé une « boîte collector » de La Vache qui rit. Le Lab’bel est le laboratoire créatif de la firme agroalimentaire française, et son ambition artistique est aussi sincère qu’exigeante. Cela se comprend mieux si l’on sait que Laurent Fiévet, à la tête du laboratoire de création contemporaine du groupe Bel, dont il est l’un des héritiers, est lui-même un artiste à la démarche subtile et un collectionneur avisé. Il fallait toute la légitimité, acquise au fil des dix ans d’existence de la collection, pour que la 11e édition ose le calembour visuel : une Joconde au masque de Vache qui rit ! Monna Lisa affublée d’un museau ! C’est Cildo Mereiles (né en 1948) qui se risque à ce rapprochement entre deux sourires iconiques, l’un appartenant à l’histoire de l’art, l’autre à celle plus triviale de la grande distribution. La proposition de l’artiste brésilien, nous apprend le communiqué de presse, « concentre plusieurs questions qui traversent son œuvre : la place de l’auteur, les relations entre l’original et la copie, l’insertion d’objets artistiques au sein de différents circuits sociaux, la dimension symbolique des images ». On ne saurait mieux dire. S’il semble évident au premier regard, le montage de Mereiles ouvre en effet plusieurs niveaux de lecture. Cette boîte collector fait ainsi écho à sa série des « Inserçoes em circuitos ideologicos » (Insertions dans les circuits idéologiques), commencée dans les années 1970. En pleine dictature militaire brésilienne, Meireles profitait notamment de la mise en vente des bouteilles en verre de Coca-Cola pour diffuser des messages décalés, voire contestataires. Le système de consigne favorisait la réinsertion des bouteilles de soda sérigraphiées par l’artiste, prolongeant indéfiniment la circulation de ces objets artistiques parasitaires dans le commerce. Ce ne sera sans doute pas le cas de cette boîte collector, proposée en avant-première dans le cadre de la foire Art Basel Paris, du 16 au 20 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°779 du 1 octobre 2024, avec le titre suivant : De l’art dans le fromage

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