Exposé au Magasin, à Grenoble, le sculpteur canadien David Altmejd décrypte son travail lié au corps et à l’énergie vitale
Le Magasin, Centre national d’art contemporain, à Grenoble, expose le sculpteur canadien David Altmejd (né à Montréal en 1974). Dans un espace recouvert de miroirs, une série de six figures de géants hybrides (Untitled, 2007) invitent à entrer dans un monde où dominent des questions liées au corps et à l’énergie vitale.
Votre univers semble reposer sur une réactivation de la fable, du conte, d’un imaginaire. Cherchez-vous à élaborer une narration ?
La narration ne m’intéresse pas en tant que telle. Je peux comprendre que l’on perçoive mon travail de la sorte, mais j’envisage mes sculptures comme des paysages plus que comme des récits. Dans un récit, il y a une structure liée au temps, des relations entre les personnages, le développement d’une histoire – toutes choses que je ne cherche pas à construire. Je préfère que mes sculptures contiennent un potentiel narratif plutôt qu’elles ne racontent des histoires.
D’où est venue cette idée de travailler sur les géants ?
Avant de m’y intéresser, mon travail était surtout composé de propositions architecturales qui se développaient de manière horizontale. Je m’en servais comme structures de présentation pour des objets étranges que j’y plaçais et cachais ici et là, à la manière des organes à l’intérieur d’un squelette ou d’un corps, afin d’y faire circuler de l’énergie. J’ai pensé renverser un peu cette logique, ce que m’ont permis de faire les géants. Ils sont suffisamment grands pour m’offrir la possibilité d’y explorer des espaces intérieurs, de les habiter. C’est le corps qui se transforme ici en structure architecturale, me permettant aussi d’aborder la verticalité.
Devant ces créatures, nous sommes face à un processus de mutation, récurrent dans votre travail. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce processus ? Est-il toujours en cours une fois l’œuvre achevée ?
Je me suis toujours intéressé au processus de mutation car il est un symptôme du vivant. L’objet ainsi construit semble contenir une énergie toujours active. Je me suis mis à casser des miroirs dans mon atelier afin que la croissance de l’énergie aie l’air de se poursuivre, en effet. C’est une manière de trouer la surface et de faire transpirer l’énergie. La série est d’ailleurs pleine de structures cristallines qui suggèrent une croissance.
Vous employez souvent le terme d’« énergie ». Pourquoi vous est-il si cher ?
Peut-être à cause de ma fascination pour la biologie. Il est très important pour moi d’avoir l’impression que l’objet, la sculpture que je fabrique, contient une énergie vivante. C’est peut-être parce que ce que j’aime de la sculpture, c’est le fait qu’elle existe dans le même espace que le corps. Je me suis rendu compte, il n’y a pas si longtemps, qu’elle existe physiquement, de la même façon que le corps dans l’espace. J’ai alors pris conscience que le corps était le modèle le plus intéressant. À partir de là, j’essaye toujours de trouver des stratégies pour injecter de l’énergie à l’intérieur d’une sculpture.
Mais si la sculpture est « vivante », elle n’est donc pas terminée ?
Non, et c’est toujours assez insatisfaisant pour moi de montrer de nouveau une même sculpture. Ces géants ont déjà été présentés il y a un an et demi au Musée d’art contemporain de Denver (Colorado), et je ne les ai pas modifiés.
Cela ne vous gêne-t-il pas ?
Non, car j’ai eu la chance de les disposer différemment ; ils adoptent donc des personnalités différentes. J’ai également modifié l’éclairage et tapissé les murs de miroirs afin de créer une sorte de désintégration visuelle des objets. C’est une façon de donner l’impression qu’ils sont encore en vie, qu’ils ont une fraîcheur. Sinon j’aurais le sentiment qu’ils sont morts et cela m’ennuierait beaucoup. Quand je dois présenter de nouveau une œuvre, si j’ai la possibilité de la transformer, je le fais.
Vous dites être depuis toujours fasciné par les sciences et la biologie, mais, par son usage de l’hybridation et de la mutation, votre travail tend vers la science-fiction…
Ce que vous dites m’incite à penser que, finalement, c’est peut-être la combinaison entre biologie et art qui finit toujours par ressembler à de la science-fiction… Peut-être le désir d’esthétiser les sciences débouche-t-il toujours sur la transformation d’une chose en une autre ? L’idée que je pourrais inventer de nouvelles formes vivantes est vraiment intéressante pour moi. Peut-être est-ce relié à la science-fiction… En même temps, celle-ci a beaucoup à voir avec l’idée de technologie, qui ne m’intéresse pas du tout. Car même si j’avoue que les géants peuvent avoir un aspect « robot », ce n’était nullement l’intention.
DAVID ALTMEJD, jusqu’au 26 avril, Magasin, Site Bouchayer-Viallet, 155, cours Berriat, 38000 Grenoble, tél. 04 76 21 95 84, www.magasin-cnac.org, tlj sauf lundi 14h-19h.
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David Altmejd
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : David Altmejd