Normandie contemporaine

Conteneurs surprises

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2013 - 773 mots

Réparti sur quinze sites aux alentours de Caen, le « Musée éclaté » invite les artistes à redonner vie à des conteneurs, en lien avec le contexte géographique, économique ou culturel de la région.

CAEN - Sur la plage de Merville-Franceville, dans le Calvados, à quelques encablures d’Ouistreham, un énorme conteneur – en fait deux rassemblés – est échoué sur le sable. Sur sa façade un miroir permet de voir la mer lorsqu’on lui tourne le dos ; miroir qui se révèlera à l’intérieur être une glace sans tain s’ouvrant sur l’horizon. D’autres surprises accueillent le visiteur, avec deux écrans suspendus sur lesquels flottent des vidéos d’Hicham Berrada. Leurs images bien réelles de fonds marins ont des couleurs enchanteresses, traitées presque comme des surfaces picturales oscillant entre naturel et artificiel, réel et fiction.

C’est l’une de ces contrées où l’art contemporain n’a que peu d’entrées, une région, la Normandie, où quelques trop rares institutions tentent de donner corps à un domaine encore mal connu si ce n’est mal perçu. C’est pourtant là que s’est installé cet été le « Musée éclaté de la presqu’île de Caen », à la faveur de la seconde édition du festival « Normandie impressionniste » qui a pris l’initiative, heureuse, de s’ouvrir à des formes et des idées neuves.

Quinze projets et autant d’artistes sur le même nombre de communes, couvrant un territoire d’une vingtaine de kilomètres de long traversé par l’Orne et le canal de Caen à la mer. Et pour chacun un cahier des charges et des contraintes précises : travailler avec deux conteneurs en fin de vie qui ne pourront plus reprendre le large, considérer le rapport au site, revisiter l’iconographie de l’impressionnisme tels le paysage marin ou les vues industrielles et s’inspirer du thème de l’eau adopté cette année par le festival.

En écho au projet portuaire
Mise en musique par l’École supérieure d’arts et médias de Caen/Cherbourg, l’opération s’est appuyée sur quinze institutions partenaires – le Crédac, le Cneai, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, le Palais de Tokyo, l’Artothèque de Caen, le Musée Malraux du Havre… – qui chacune ont proposé et accompagné le projet d’un artiste, car « ce n’est pas notre métier », souligne le directeur de l’école, Éric Lengereau. Lequel précise que « le thème de l’eau vise également à trouver une relation entre des projets artistiques et un projet portuaire en devenir tout en investissant les différents territoires de la région. »

De territoires en mutation il est en effet question dès la sortie de Caen, dans cette espèce de non-lieu qu’est devenu l’ancien site de la Société métallurgique de Normandie dont les bâtiments ont été rasés et qui attend l’installation de nouvelles entreprises et d’une probable plateforme de conteneurs, justement. Nathalie Brevet et Hughes Rochette ont superposé les leurs, créant à l’entrée du canal un signal fort visible depuis le rivage, avec une cascade s’écoulant depuis l’un et un paisible plan d’eau stagnant dans l’autre.

C’est selon un esprit chaque fois différent que les artistes se sont emparés de l’idée et de ses contraintes. Ariane Michel excelle particulièrement, qui dans un paysage sauvage, à Sallenelles, a fait d’un conteneur un lieu de projection pour un film qui prend pour objet le second abandonné tout près. Le percussionniste Dominique Mahut s’en sert comme d’un instrument, l’ausculte, le bouscule, jusqu’à en révéler des sonorités qui s’allient à l’environnement tout en faisant oublier la curiosité de cette masse métallique posée là, dans des marais protégés. Marie Voignier, élégante à Biéville-Beuville, transforme quant à elle un conteneur en un musée parfaitement aménagé et doté d’un éclairage zénithal où sont visibles des documents relatifs à la production artisanale ou artistique en Corée du Nord et en Normandie, facteurs d’élaboration d’une identité culturelle. Tandis que son second espace diffuse un film qui documente la visite d’ateliers de peintres œuvrant pour la propagande du régime coréen.

Conteneurs percés
Maline, Katinka Bock a bien cerné la nature de la place de l’église d’Amfreville où elle a posé ses conteneurs ; ils se répondent grâce au percement d’ouvertures révélant des bribes de ses deux installations sculpturales qui dialoguent joliment avec le paysage grâce à une multiplication de points de vue. Des sculptures dont tous les matériaux proviennent des alentours, manière de s’inscrire un peu plus dans les environs et de prendre corps, au-delà de l’incongruité.

MUSÉE ÉCLATÉ DE LA PRESQU’îLE DE CAEN

Jusqu’au 27 octobre, quinze sites, tél. 02 14 37 25 00, www.mepic.fr, point information devant l’École supérieure d’arts et médias, 17, cours Caffarelli, Caen ; mercredi, samedi et dimanche 13h-18h pour l’ensemble des lieux. Signalétique routière et carte distribuée au point info.

Légende photo

Katinka Bock, Atlantik, Kreise, 2013, matériaux divers. © Photo : Aurélien Mole.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Conteneurs surprises

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