Aussitôt débarqué de l’avion et passé à l’hôtel, Christo s’est rendu à la galerie où il expose dans quelques jours.
Il y a retrouvé son équipe, celle avec laquelle il travaille depuis plusieurs années et qui met en place ses expositions, suivant à la lettre les consignes de l’artiste. À 75 ans, Christo Vladimirov Javacheff, comme il se nomme pour l’état civil, est en pleine santé et ce ne sont pas les quelques heures nécessaires à traverser l’Atlantique qui vont l’arrêter. Les cheveux gris, le regard vif derrière ses lunettes finement cerclées d’écaille, veste de gentleman farmer et pantalon jean, l’écharpe autour du cou, il vous accueille avec une grande simplicité, le visage épanoui et souriant. Rien de la star qu’il est pourtant. Au fil de la discussion, l’homme ne peut laisser échapper le souvenir attendri de Jeanne-Claude, celle avec laquelle il a partagé toute sa vie et son œuvre, décédée voilà un an. Un couple inséparable : ils étaient tous deux nés exactement le même jour, un 13 juin 1935, elle en France, lui en Bulgarie ; ils s’étaient rencontrés à Paris en 1958 et depuis lors ils ne faisaient qu’un. Au point de signer leur œuvre de leurs deux prénoms, ce que Christo, seul, continue de faire.
Un chef d’équipe
S’il n’est plus temps de présenter l’œuvre – des empaquetages d’objets jusqu’à ceux des monuments, en passant par le mur de barils de la rue Visconti (1962), par le premier empaquetage de la Kunsthalle de Bern (1969), par celui du Pont-Neuf (1985), etc. –, il l’est toujours de l’écouter vous parler de ces cinquante ans et plus de travail réalisé à travers le monde. Quoique de taille moyenne, Christo est un véritable géant, un arpenteur aux bottes de sept lieues qui n’a de cesse de vouloir enjamber les rivières et les vallées, embrasser les grandes étendues et recouvrir de cette toile immaculée qui le signe les sites les plus renommés.
Chaque fois, ce sont des propositions uniques, des situations inédites, des expériences nouvelles. Comme celle dont il est venu présenter à Paris, à la galerie Guy Pieters, les dessins. Un projet qui lui tient à cœur – « Over the river » –, jeté sur le papier voilà vingt-huit ans et qui consiste à tendre de grandes toiles sur des kilomètres au-dessus d’une rivière de l’Arkansas, haut lieu de rafting au Colorado ! Et chaque fois, c’est la même bataille : il faut convaincre les propriétaires du terrain, rassembler le budget nécessaire, motiver les équipes techniques, tester la faisabilité du projet… Une véritable entreprise.
C’est ainsi qu’au détour de la conversation, on apprend que, pour le Pont-Neuf, Christo avait fait un galop d’essai sur un vieux pont à Gray-sur-Loing dans la région parisienne. Son équipe technique s’était fait passer pour des ingénieurs testant un nouveau tissu de protection et personne n’en a jamais rien su jusqu’au jour où…
À l’atelier, Christo aime passer le temps à dessiner. Seul. Sans l’aide d’aucun assistant. Sur le terrain, tout est question d’équipe. Quand l’œuvre a pris forme, alors il faut en profiter pleinement. Elle n’a jamais une longue durée et l’artiste de prendre bien soin de restituer le lieu d’intervention dans l’état où il l’a trouvé. Éloge du temporaire.
1935 Naissance de Christo et de Jeanne-Claude.
1958 Ils se rencontrent à Paris où ils côtoient les Nouveaux Réalistes.
1962 Bloquent la rue Visconti, à Paris, avec 240 barils de pétrole.
1964 S’installent à New York
1985 Emballent le Pont-Neuf.
1995 Emballage du Reichstag de Berlin.
2009 Mort de Jeanne-Claude.
2010 Exposition à la galerie Guy Pieters.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Christo, ce géant aux bottes de sept lieues
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Galerie Guy Pieters, 2, avenue Matignon, Paris VIIIe, www.guypietersgallery.com, jusqu’au 23 janvier.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°631 du 1 janvier 2011, avec le titre suivant : Christo, ce géant aux bottes de sept lieues