C’était au mois d’avril 1861. Suivant les conseils de son ami d’enfance Émile Zola, Cézanne quitte sa Provence natale et monte à Paris. Il a 22 ans. Cinq mois durant, le jeune peintre aixois est parisien. Inscrit à l’Académie suisse, il y fait la rencontre de Pissarro, de 9 ans son aîné, avec lequel il entretiendra pendant 20 ans une profonde et durable complicité.
De nature et de caractère très différents, rien n’était vraiment fait pour rassembler Cézanne et Pissarro. Fils d’un négociant émigré de Bordeaux, né aux Antilles dans les îles Vierges, Camille Pissarro (1830-1903) était un ardent polémiste et un actif animateur. Esprit généreux et ouvert qui ne cachait pas ses penchants anarchistes, il était davantage sensible aux gens qu’à la nature elle-même. Fils d’un banquier originaire d’Aix-en-Provence, Paul Cézanne (1839-1906) avait reçu une formation classique et portait aux maîtres du passé une totale vénération.
« Timide », « bohème », voire « faible », comme il se qualifiait lui-même, il était très solitaire n’ayant en tête qu’un seul projet, « refaire du Poussin sur nature ».Malgré cela, dès leur première rencontre et jusqu’à ce que le groupe impressionniste – auquel ils participèrent activement dès le début – se disperse vers le milieu des années 1880, Camille Pissarro et Paul Cézanne partagèrent nombre d’aventures.
Cézanne multiplie les allées et venues entre Aix et Paris, il participe aux soirées du jeudi organisées par Zola et aux rendez-vous du café Guerbois proposés par Manet et ses amis. C’est le plus souvent l’occasion de retrouver Pissarro. En août 1872, au lendemain de la guerre contre la Prusse, Cézanne rejoint Pissarro à Pontoise où celui-ci s’est installé, puis il se rend à Auvers-sur-Oise où il s’établit jusqu’au début de l’année 1874.
Pissarro et Cézanne peignent ensemble
C’est une période d’intense production, prélude à l’avènement de l’impressionnisme, les deux artistes travaillant côte à côte. À la différence de Monet, de Sisley et de Renoir, avec lesquels ils entretiennent les meilleures relations, tous deux sont pareillement curieux de produire une peinture davantage solide que fluide.
Cela n’échappera pas au critique d’art Louis Leroy dans son article du Charivari, suite à la première exposition « impressionniste » qui se tient chez Nadar en avril 1874. Face au Champ labouré (aujourd’hui Gelée blanche) de Pissarro, il note que ce ne sont pas des sillons, ni de la gelée, mais « des grattures de palette posées uniformément sur une toile sale » et, face à La Maison du pendu présentée par Cézanne, il tance les « empâtements prodigieux ».
Ils sont unis par la même parenté esthétique
Quand bien même Cézanne prendra très tôt ses distances avec le groupe des impressionnistes, les deux peintres resteront unis dans un même combat. Portraits et autoportraits croisés, natures mortes et paysages exécutés dans cette partie ouest de la région parisienne, non en bordure de la Seine mais en plein cœur du pays Vexin, disent leur parenté esthétique.
Celle-ci prend notamment toute sa dimension dans une approche rustique et directe du monde qui est sous leurs yeux, à ce point qu’on peut parler chez eux d’un impressionnisme de la terre. Le goût irrépressible du construit et celui d’une matière picturale dense qui caractérisent leurs compositions en sont une éclatante illustration. Mais alors que l’art de Pissarro y est requis par l’humain, celui de Cézanne l’est par une stricte et rigoureuse analyse du paysage.
1830 Naissance de Camille Pissarro à St-Thomas-des-Antilles.
1839 Naissance de Cézanne à Aix-en-Provence.
1861 Les deux artistes se lient d’amitié lors de leur passage à l’Académie suisse de Paris.
1863 Tous deux participent au Salon des refusés à Paris, aux côtés de Corot, Courbet et Monet.
1870 Pissarro s’installe à Louveciennes, Cézanne le rejoint.
1874 Participation commune à l’exposition des impressionnistes chez le photographe Nadar à Paris.
1903 Pissarro décède à Paris, à l’âge de 73 ans.
1906 Quelques mois avant son décès, Cézanne déclare n’être « que l’élève de Pissarro ».
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Cézanne Pissarro !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°578 du 1 mars 2006, avec le titre suivant : Cézanne Pissarro !